Depuis le coup d’Etat manqué de juillet 2016, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, déploie des mesures plus autoritaires. Etat d’urgence, purge dans les administrations et dans le système judiciaire, prise en main de l’armée… Le pouvoir semble de plus en plus concentré derrière la volonté d’un seul homme. Et ce régime, pour beaucoup, ne ressemble plus à une démocratie.
Pour le journaliste belgo-turc Mehmet Koksal, interrogé dans Soir Première, il est clair que l’on a basculé en Turquie : "Depuis l’instauration de l’État d’urgence, le Parlement, et donc les élus du peuple, a été mis hors circuit. Le gouvernement gouverne à travers des décrets, dans lesquels il se permet tout et n’importe quoi. Tout l’exécutif est dans les mains du président lui-même."
Une situation inévitable selon l’avocat Selçuk Demir, qui est également conseiller juridique au consulat de Turquie à Paris.
"On doit tenir compte du contexte particulier de ces derniers mois", explique-t-il. La tentative de coup d’Etat, mais aussi la tentative d’assassinat du Président. Il y a également eu le bombardement de l’Assemblée, la menace terroriste et celle du PKK, la proximité avec le conflit en Syrie… Tout cela a nécessité une riposte exceptionnelle, car c’était une question de survie".
Selon lui, l’optimisme est de mise, et la situation s’améliore. Il cite par exemple certaines juridictions qui ont prononcé la libération de plusieurs journalistes. Il affirme que l’enquête sur le coup d’Etat avance, il faut maintenant être un peu patient avant de voir changer la situation.
Mais il y a là un paradoxe pour le journaliste Mehmet Koksal, car on demande d’appliquer des mesures exceptionnelles, tout en réclamant la normalisation des relations. "M. Demir dit par exemple que des fonctionnaires ont été rétablis dans leur fonction… Or il y a eu 100 000 fonctionnaires démis, et moins de 100 ont été remis dans leur fonction. Il y a du faux dans les déclarations qui sont faites".
"Il est aimé par la majorité de son peuple"
Quoi qu’il en soit, Selçuk Demir affirme que les décisions prises par le Président sont légitimes, car il tire son pouvoir du peuple : "On a eu treize élections, pendant lesquelles le parti du président a eu au moins 40%. C’est un fait qu’il faut accepter : il est aimé par la majorité de son peuple.
Aimé par la majorité, mais détesté par l’autre moitié, défend Mehmet Koksal : "Plus de 150 de nos confrères sont derrière les barreaux pour avoir exprimé leur opinion. Ils sont sous le coup de la censure en permanence. C’est inacceptable dans un pays qui se revendique comme une démocratie."