Et vous savez quoi? Toutes les substances trouvées respectent les normes européennes. En fait, les normes sont tellement hautes qu'on n'est pas près de les dépasser. On vous explique ça avec un des hydrocarbures aromatiques polycycliques : le Benzo(a)pyrène. Derrière ce nom barbare se cache un cancérigène reconnu.
Prenons des objets de la vie quotidienne. Dans les ustensiles de cuisine, les outils, le bracelet d'une montre, une raquette de tennis, un vélo, une chaise roulante, l'Europe ne tolère qu'un 1mg/kg de Benzo(a)pyrène. Ce sont des articles de consommation qui entrent en contact de manière brève ou prolongée avec la peau humaine. Dans un jouet pour enfant, cette norme est encore plus stricte et tombe à 0,5 mg/kg.
Pourtant, dans les granules de pneus, l'Europe accepte 100 fois plus de ce cancérigène (100 mg/kg) et même 1000 fois plus pour d'autres HAP. L'Union européenne considère que c'est un mélange. Pas un article de consommation qui entre en contact avec la peau de manière répétée. Etonnant non?
Les normes européennes pour les mélanges de 8 hydrocarbures aromatiques polycycliques:
- Benzo(a)pyren 100mg/kg
- Dibenz(a,h)anthracen 100mg/kg
- Benzo(a)anthracen 1000mg/kg
- Chrysen 1000mg/kg
- Benzo(b)fluoranthen 1000mg/kg
- Benzo(k)fluoranthen 1000mg/kg
- Benzo(j)fluoranthen 1000mg/kg
- Benzo(e)pyren 1000mg/kg
Il suffit de se promener un week-end en bord de terrain pour comprendre que le contact avec la peau des joueurs est une réalité. Des gardiens nous ont avoué qu'ils en avaient fréquemment dans les yeux ou dans la bouche. Nombreux sont ceux qui se brûlent les cuisses, les genoux ou les coudes. Et les billes viennent parfois se coller sur ces plaies ouvertes. Que dire des rugbymen qui ont un contact permanent avec le sol au moment des plaquages ou des mêlées? Sans parler des petits frères et petites sœurs qui attendent sur le bord de la pelouse. Ils jouent avec les granules et mettent parfois les doigts en bouche.
Dr. Corinne Charlier, chef du service de Toxicologie Clinique du CHU de Liège plaide pour une révision de cette norme:" Le problème ici, c'est que ces granules vont être portés à la bouche. Il y a un contact important avec les joueurs. Je ne suis pas sûre que la norme utilisée soit la bonne. Peut-être faut-il revoir la norme? Comme si c'était un objet du quotidien avec lequel on est en contact. Par exemple, un ballon ou un jouet pour enfant".
Imaginons que l'on applique aujourd'hui, la norme "article de consommation". Dans pareil scénario, un terrain sur les 8 que nous avons analysés ne serait plus conforme.
Prenons encore plus de hauteur. En Flandre, une étude a été menée sur 130 terrains par le laboratoire privé SGS Intron. Elle était financée par Recytyre, l'organisme en charge de la gestion des pneus usés, composé majoritairement de producteurs de pneus. Ce qui peut poser déjà question quant à l'indépendance du travail scientifique. Mais, laissons- lui le bénéfice du doute.
En regardant les résultats, on constate cette fois que 82% des terrains en Flandre ne répondraient pas à la norme "article de consommation" (à savoir 8mg/kg pour la somme des 8 HAP réglementés par l'Europe). Ce qui poserait déjà un sérieux problème.
Fin 2016, le RIVM, l'institut national néerlandais pour la Santé publique et l'environnement avait conclu que "le risque pour la santé est pratiquement négligeable". Mais, dans cette même étude, il conseillait aussi "d'ajuster la norme pour les granules de caoutchouc à une norme plus proche de celle des produits de consommation".