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Endless Dive : "Tout le monde peut se créer son propre univers en écoutant notre musique"

Endless Dive, post-rock instrumental de Tournai.

© – Alexia Jaubert

Par Renaud Verstraete via

On les attendait au tournant. 3 ans après un premier album qui les avait vu remporter le tremplin de Dour et briller au Concours Circuit, Endless Dive dévoile "A Brief History of A Kind Human". Plus mature, plus contrasté, plus expérimental : sur ce deuxième album, le quatuor s’affirme en démontrant une palette sonore riche en couleurs et en textures. Les Tournaisiens confirment ici, avec brio, leur volonté d’inscrire la Wallonie en lettres d’or sur la carte du post-rock. Rencontre avec trois "Kind Humans" : Pierre (guitare), Nathan (guitare) et Elie (basse).

Hello les gars ! Vous venez de sortir votre deuxième album "A Brief History of A Kind Human". Ça fait quoi de pouvoir enfin le dévoiler au grand jour ?

Elie : D’un point de vue émotionnel, ça nous fait particulièrement plaisir de sortir cet album. Il y a eu plein de rebondissements, plein d’annulations, ça a été la galère. C’était frustrant, surtout. C’est un peu une délivrance de finalement voir ce disque sortir.

Pierre : C’est chouette parce qu’il y a des reviews un peu partout en Europe, venant de pas mal de pays différents. En Espagne, en Italie, en Autriche, aux Pays-Bas… Ça ne nous était jamais vraiment arrivé ! Ce qui est assez marrant, c’est que notre style de musique touche peut-être plus à l’étranger que chez nous.

Ça a été difficile de garder le cap pendant cette période difficile et incertaine ?

Pierre : C'était hyper décourageant. On a dû travailler dans l’ombre, il n’y a pas eu de concerts. On a mis deux ans à enregistrer cet album, enfin surtout à trouver des dates pour l’enregistrer (rires).

Nathan : A la base, on voulait enregistrer en France chez Amaury Sauvé (ndlr : récent producteur de It It Anita, Bison Bisou et Birds in Row). Il a des techniques de production bien à lui et a vachement le vent en poupe dans la scène alternative. On est parti bosser chez lui à Laval en préproduction en vue de l’enregistrement de l’album. On a ensuite eu un mois pour retravailler les morceaux avant de retourner chez lui les enregistrer. Et il se trouve que pendant ce mois-là, il y a eu la première vague Covid, pas de bol (rires). Après on a enchaîné les reports, on ne pouvait pas retourner chez lui parce qu’il y avait un an et demi de liste d’attente.

Bref, de fil en aiguille, il y a eu quatre reports et c’était super décourageant d’avoir quelque chose de fini entre les mains et de ne rien pouvoir en faire. Finalement, on a enregistré avec notre ingé son Louis qui nous accompagne depuis le premier EP. Évidemment, il y a une part de frustration de ne pas avoir pu enregistrer l’album avec Amaury Sauvé mais aussi beaucoup de joie parce que Louis nous a vraiment aidés. On a pu retravailler les morceaux et sortir la chose comme on l’entendait.

Elie : On a pu en tirer du positif. On a mis ce temps à profit pour creuser le mix. Pierre et Nathan, notre batteur, se sont vachement intéressés à l’aspect production. On reste un jeune groupe mais on ressort de cette expérience en ayant acquis de nouvelles connaissances et une nouvelle manière d’aborder notre musique.

Qu’est-ce que ces trois jours de travail avec Amaury Sauvé vous ont apporté ?

Pierre : Amaury nous a dit qu’on ne pouvait pas éternellement nous reposer uniquement sur un feeling dans la composition, qu’il fallait théoriser les choses et les mettre sur papier. Il nous a poussés à faire des schémas, à écrire les choses noir sur blanc. Ce qu’il nous a surtout appris, c’est vraiment à uniformiser nos intentions dans la musique, que ce soit dans la composition, dans la performance ou même au point de vue de nos émotions.

Il nous a apporté énormément de choses. Amaury a ouvert les yeux de beaucoup de groupes de rock. Comme beaucoup, on a commencé la musique dans notre chambre ou dans un garage. Ça fait du bien d’apprendre de nouvelles choses, ça te permet de passer un palier supplémentaire.

Nathan : Pierre et moi, au bout du troisième jour, on s’est dit : "Ça fait 12 ans qu’on joue de la guitare tous les deux et en trois jours et on vient de se prendre une claque monumentale" (rires).

Amaury Sauvé est connu pour travailler les contrastes et l’intensité avec ses groupes. Lorsque l’on écoute votre nouvel album, on se dit que ce travail-là a porté ses fruits…

Pierre : Oui, on a beaucoup travaillé les dynamiques avec lui. Un jour, il nous a demandé de trouver chacun 3 mots pour décrire un de nos morceaux. Vu qu’on n’a pas de paroles, on s’est rendu compte qu’on y associait tous des émotions différentes. Il fallait qu’on fasse en sorte d’aller dans la même direction. On n’avait jamais vraiment réfléchi comme ça et ça se ressent fort par rapport aux anciens albums. En tout cas, nous, on le ressent même en live, c’est beaucoup moins linéaire. C’est un peu moins chiant (rires).

Elie : D’ailleurs ce qui est sympa, c’est que grâce à ça, on a même redécouvert nos plus vieux morceaux parce qu’on les joue différemment !

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Comment est né ce nouvel album "A Brief History of A Kind Human" ?

Nathan : En fait, on a travaillé différemment au niveau de la composition. Cette fois-ci c’était un peu plus spontané, à nous 4. On a laissé la place à des idées spontanées, à des riffs trouvés en répète. Il n’y avait pas de structures définies. Et d’ailleurs, on nous dit souvent qu’il y a un côté plus organique et authentique dans ces nouveaux morceaux.

Elie : Après, je dirais même qu’on l’a même composé à plus que 4. Même si le cœur des compositions vient de nous, les gens qui nous ont entourés ont eu un impact assez fort sur le résultat final. On a pris le temps aussi de tenter des trucs. On a essayé de mettre du chant d’une chorale sur un morceau et ça a foiré (rires).

Vous avez abandonné l’idée ?

Elie : On va dire qu’on apprend de ses erreurs (rires). On s’est dit que ce serait une bonne idée de mettre des chœurs sur un morceau. On est parti à Tournai enregistrer une chorale, plein d’optimisme en se disant que ça donnerait trop bien. Et en fait, on s’est rendu compte que ça sonnait faux, que ça n’allait pas. Préparer des chœurs sur un morceau c’est un truc qui ne s’improvise pas (rires). Mais on n’abandonnera pas l’idée, c’était une chouette expérience. Sur cet album on a rajouté des synthés, des percussions. Sur un morceau, il y a aussi de la guitare acoustique. On a rajouté plein de petits éléments et ça c’est cool. C’est vers ça que l’on va tendre pour la suite.

Ça ne vous est jamais venu à l’esprit d’essayer de rajouter des paroles ou du chant sur votre musique ?

Pierre : On a déjà essayé de mettre du chant, mais pas forcément des paroles. L’idée, c’était vraiment qu’une voix, puisse apporter une texture sonore différente des instruments. On a déjà essayé plusieurs fois ensemble au local mais on ne sent pas vraiment confiant à l’idée de le faire.

L’occasion ne s’est jamais présentée mais pourquoi pas à l’avenir, faire une collab ou autre ? Finalement, faire une musique instrumentale c’est quelque chose qui nous semble naturel. Quand je compose à la guitare, j’aime bien imaginer des histoires, des mélodies qui suscitent des émotions sans avoir besoin de passer par des paroles écrites. Mais on ne ferme pas la porte à l’idée !

Le post-rock est un style assez codifié et on est souvent tenté de vous comparer avec les références du genre. Est-ce que c’est difficile de se démarquer ?

Pierre : Effectivement, ce n’est pas évident. Je ne dirais pas que notre premier EP et notre premier album étaient hyper originaux. Je pense que les références sont assez flagrantes même si on a toujours eu l’intention d’essayer de faire quelque chose de différent. Avec cet album, on est sur la bonne voie. On peut avoir l’impression que le post-rock est un genre qui s’essouffle mais de temps en temps, il y a un groupe vachement différent qui explose. L’année dernière on a eu Bruit par exemple qui ont sorti un album incroyable. Tout n’est pas perdu (rires).

Elie : On reste avant tout nous-mêmes. On ne pose pas trop la question de quel genre de musique on fait. Dans une chronique quelqu’un a écrit que notre nouvel album avait les ingrédients post-rock sans en être un. Et je trouvais que c’était assez vrai !

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Ce nouvel album s’accompagne d’une série de photos et de textes réalisés et écrits par Arthur Sente. Comment vous est venue cette idée de collaboration ?

Nathan : Arthur est un ami à nous, avec qui on a fait de la musique dans le passé. Un jour en discutant avec lui, il m’explique qu’il est parti en voyage et qu’il s’est passé un truc bizarre avec sa pellicule en prenant des photos et qu’elle s’est rembobinée. Il a gardé cette pellicule et a repris d’autres photos par-dessus en faisant d’autres voyages. C’est au moment de développer ses photos qu’il a eu la surprise assez agréable de voir plusieurs photos se superposer. Cette double exposition n’était pas du tout voulue, en fait. C’est d’ailleurs ce que l’on voit sur la pochette de l’album.

On a décidé de faire une sélection de ses photos pour accompagner le disque. Arthur était le chanteur de notre ancien groupe à l’époque où on faisait du hardcore. En plus, il est journaliste, on savait qu’il avait une belle plume. En discutant avec lui est née cette idée d’associer à chaque composition une photo et un texte. Vu que notre musique n’a pas de paroles, c’était une manière d’apporter une dimension poétique supplémentaire.

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Les textes ont été inspirés par la musique ?

Nathan : On lui a vraiment laissé carte blanche en fonction de ce qui l’inspirait.

Elie : Les textes ont un rapport très personnel à ce qu’il a vécu. Arthur y parle de sa famille, de rencontres qu’il a faites. A partir de ces histoires qui lui sont propres, il s’est dit : "Tiens, quel morceau musicalement collerait mieux avec ce que j’essaie de transmettre ?". Personnellement, je trouve ça vraiment cool que notre musique puisse servir de support à l’histoire de quelqu’un d’autre. Ça donne une profondeur supplémentaire à cet album.

C’est un peu comme lorsque tu regardes une peinture. Chacun se crée sa propre histoire en étant influencé par ses émotions, ses souvenirs, ses envies ou son imagination.

Votre musique étant instrumentale, comment choisissez-vous les titres des morceaux ?

Elie : Le truc c’est qu’on est assez tôt obligé de nommer nos morceaux pour pouvoir s’y retrouver et pouvoir en parler entre nous. En général, on lui donne un nom de code en rapport avec ce à quoi le morceau nous fait penser. Du coup, on se retrouve souvent avec des noms tout à fait stupides (rires). Ensuite vient l’étape d’élaboration des noms définitifs. Parfois ça nous arrive de garder les noms de codes, comme pour le dernier morceau de l’album "Au Revoir." Ce morceau sonnait comme un morceau de fin et finalement c’est ce nom-là qui est resté. Heureusement qu’on a modifié le titre de certains sinon on aurait eu "Compote" et "Plumeau" sur l’album (rires).

Nathan : Pour ce nouvel album, c’est en majorité des titres d’Arthur. Il y a deux titres qui viennent de nous "Blurred" et "Au Revoir", le reste sont tirés de ses textes.

Et le titre de l’album "A Brief History of A Kind Human", il signifie quoi ?

Pierre : C’était un des titres qu’Arthur avait proposé pour l’album. C’était celui qui représentait le mieux l’histoire du projet. C’est un jeu de mots avec le roman "Brief History of Humankind" de Yuval Noah Harari. Ici, c’était chouette parce que ça raconte l’histoire d’Arthur qui est un des mecs les plus gentils qu’on connaisse. Ça collait bien aussi au processus de l’album. Finalement ce sont de petites histoires de quatre mecs qui ont fait de la musique, ni plus ni moins.

De gauche à droite : Elie Pauwels (basse), Pierre Van Vlaenderen (guitare), Nathan Bonnet (guitare) & Nathan Mondez (batterie)
De gauche à droite : Elie Pauwels (basse), Pierre Van Vlaenderen (guitare), Nathan Bonnet (guitare) & Nathan Mondez (batterie) © – Alexia Jaubert

Endless Dive fêteront la sortie de leur album le 25/02 au Botanique.

"A Brief History of A Kind Human" est sorti chez Luik Music le 18/02.

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