Le président tunisien Kais Saied, qui s'est octroyé les pleins pouvoirs depuis juillet dernier, a modifié par décret jeudi une loi réglementant le fonctionnement de l'autorité de supervision de la justice et révoqué près de 60 juges.
Une liste de 57 juges a été publiée dans la nuit au Journal officiel dans un décret qui justifie leur révocation pour "dissimulation d'affaires terroristes", "corruption", "harcèlement sexuel", "collusion" avec des partis politiques et "perturbation du fonctionnement de la justice". Le président Saied avait auparavant annoncé "une décision historique", à l'issue d'un Conseil des ministres mercredi.
Parmi les magistrats limogés qui pourront faire l'objet de poursuites judiciaires, on trouve un ancien porte-parole du pôle de lutte contre le terrorisme, un ancien directeur général des douanes et l'ancien chef du Conseil supérieur de la magistrature.
Atteinte à la sécurité publique ou à l'intérêt suprême du pays
Les révocations concernent aussi des juges qui supervisaient le dossier dit "des services secrets" concernant l'enquête sur les assassinats en 2013 de deux dirigeants de gauche, Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, qui piétine depuis des années.
Kais Saïed a amendé la loi qui régit le Conseil supérieur de la magistrature, l'autorité de tutelle de la justice tunisienne, pour pouvoir les révoquer, invoquant une "atteinte à la sécurité publique ou à l'intérêt suprême du pays".
En février dernier, le président avait dissous le Conseil supérieur de la magistrature avant de le rétablir à titre provisoire, en en changeant la composition. Il s'agit d'un organe constitutionnel indépendant, établi en 2016, dont les membres sont élus en majorité par le Parlement.