Ils ont débarqué à plusieurs centaines, en colère, depuis trop longtemps sans argent, sans travail. Attribuant les maux du pays rongé par un chômage endémique aux "étrangers", ces Sud-Africains ordinaires déterminés à faire justice eux-mêmes sont venus armés dans ce centre pour réfugiés de Soweto.
Le message était clair: "Etrangers, rentrez chez vous". Sithulisiwe Chinora, une Zimbabwéenne de 22 ans, raconte à l'AFP la peur, son corps pris par un terrible tremblement, son bébé accroché dans le dos. "J'ai pensé que c'était le jour où j'allais mourir", dit-elle.
L'Afrique du Sud est épisodiquement en proie à des flambées xénophobes. Soixante-deux personnes ont été tuées dans des émeutes en 2008. De violents heurts ont éclaté en 2015, 2016 et encore en 2019.
Depuis janvier, un mouvement baptisé "Opération Dudula", qui signifie "refouler" en zoulou, monte en puissance. De quelques centaines de manifestants encore le week-end dernier, le mouvement est passé à 2.000 samedi à Johannesburg, a constaté une journaliste de l'AFP.
Dans le centre communautaire méthodiste de Soweto, qui abrite une centaine de familles de migrants, la rumeur d'un raid courait depuis quelques jours. Un dimanche de février, les résidents ont vu arriver une foule armée et munie de "sjambok", redoutables fouets traditionnels zoulous en peau d'animal, hurlant "les étrangers volent les emplois des Sud-Africains".
Les grilles n'ont pas été fermées à temps et le risque d'un jet de cocktail Molotov a semé la panique parmi ceux réfugiés dans les chambres. Certains se sont mis à pleurer de façon incontrôlée, d'autres ont été pris de diarrhées.
Le père Paul Verryn, qui a créé le centre, l'affirme sans détour: "Ce sont des militants xénophobes qui visent clairement les étrangers".