Il devait écrire un livre souriant et subtil sur la méditation. Mais il a été rattrapé par une terrible dépression. Il a été interné pendant quatre mois dans un hôpital psychiatrique. Alors, c’est tout cela qu’il a finalement décidé de raconter. Mais aussi la possibilité du retour de la joie. Emmanuel Carrère publie Yoga (POL), l’un des livres évènements de cette rentrée littéraire.
Sans me vanter, je suis exceptionnellement doué pour faire d’une vie, qui aurait tout pour être heureuse, un véritable enfer. Et je ne laisserai personne parler de cet enfer à la légère : il est réel, terriblement réel.
La méditation pour accéder au soi
En janvier 2015, Emmanuel Carrère entame une retraite de méditation vipassana : 8 heures par jour, pendant 10 jours, assis sur un coussin, en silence. Il voit cela comme une expérience intéressante : s’arrêter pour observer ce qui se passe, pour suivre le flux des pensées, auquel se mélangent les sensations, les états physiques, les inconforts.
Pour lui, cet inconfort a un intérêt, il fait partie des choses qu’on a à observer. On prend ainsi un peu de recul par rapport à ce qu’il appelle la marmelade d’anticipations, de souvenirs, d’inquiétudes, de rêveries, qui composent ce qu’on appelle une identité.
"Au fond, le yoga, la méditation, toutes ces disciplines tentent de vous faire pressentir qu’on est autre chose que ce tout petit moi, apeuré, fragmenté, dissolu. Dans des termes psychanalytiques, on pourrait dire qu’on s’écarte du faux self, du moi, pour accéder au soi."
"Je me suis toujours intéressé à mon activité mentale, au point d’en faire mon métier. L’essentiel du boulot, c’est de prendre en charge ce qui me traverse et m’occupe l’esprit. L’idée est tout de même qu’il y ait de l’autre qui se faufile là-dedans. Mais pour cela, il faut que le 'je' ait la possibilité de s’ébattre. […] Je passe mon temps à dire 'je'. Il me semble qu’il faut passer par l’acceptation de ce 'je' pour avoir accès au 'tu', pour avoir accès à autrui."