Belgique

Emila Hoxhaj, présidente de la FEF : "Le taux d’échec à l’université est affolant car l’enseignement supérieur est sous-financé"

L'invitée de Matin Première

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Par Guillaume Woelfle et Danielle Welter via

Un nombre croissant d’étudiants qui assument un job étudiant pour se nourrir au détriment du temps d’étude explique le mauvais taux de réussite aux examens de janvier affirme Emila Hoxhaj, présidente de la Fédérations des étudiants francophones sur Matin Première. Moins d’un examen sur deux a été réussi dans l’enseignement supérieur à la session de janvier (47%), c’est moins qu’avant la crise sanitaire (51% en 2020), selon des chiffres de La Libre Belgique. Le budget de 1,8 milliard annuel refinancé par 80 millions d’euros chaque année et les 100 millions d’euros d’aides à la réussite décidés par la ministre de l’Enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles, Valérie Glatigny (MR), ne sont pas suffisants à ses yeux.

"Le taux d’échec est affolant, constate Emila Hoxhaj, présidente de la FEF. Mais il faut se demander pourquoi les étudiants ratent autant : les étudiants sont surchargés, il manque de places assises, il pleut dans certains auditoires. A nos yeux, l’enseignement supérieur est sous-financé." La ministre Valérie Glatigny a pourtant décidé d’une enveloppe de 100 millions d’euros a été dégagée pour l’aide à la réussite, un montant qui atteint désormais 105 millions d’euros avec l’indexation. "Oui, mais cette enveloppe est fermée. Le nombre d’étudiants a augmenté de 40% en 20 ans, mais le financement par étudiant a été réduit de 15%. Est-ce qu’on investit vraiment dans la jeunesse ?"

Pour la présidente de la FEF, le problème majeur est la précarité étudiante. "On reçoit des témoignages d’étudiants qui doivent voler dans les magasins pour manger quelque chose. Ce sont des mesures contre ces situations qu’on attend. On ne devrait pas devoir "jobber" et étudier en même temps. Cela diminue nos chances de réussite, cela diminue notre faculté de concentration."

Pour aider directement les étudiants à ce sujet, la FEF a réclamé récemment des repas à 2€ pour tous les étudiants. "Un étudiant sur deux a du mal à se nourrir correctement. Certains vivent avec 100€ par mois. Et effectivement, nous avons demandé des plats à 2€. Cela a été fait à l’ULB dès le début de la crise et on voit que ce n’était pas superflu. La file est très longue tous les jours. Les étudiants en ont besoin. Nous avons demandé une généralisation à la ministre et jusqu’à présent, c’est silence radio."

Ne faut-il pas plutôt cibler les étudiants les plus précaires plutôt que de le proposer à tout le monde ? "Mais ce problème concerne un étudiant sur deux, comment voulez-vous cibler quand ça concerne autant de monde ? On ne parvient déjà pas à cibler correctement dans la réforme des allocations d’étude, on attend cette réforme depuis deux ans, une réforme ambitieuse et elle n’arrive pas. Une année d’étude coûte entre 8000€ et 12.000€ par an, or la bourse est de 1300€ par an en moyenne, ça ne couvre que deux loyers à Bruxelles, c’est clairement insuffisant et en plus on la reçoit en fin d’année. Personnellement, je n’ai toujours pas reçu ma bourse pour cette année scolaire."

20% des étudiants reçoivent une bourse qui peut aller de 400€ par an à 5000€ indexés, en plus du minerval gratuit.

La FEF contre la réforme du décret paysage et pour réforme des rythmes scolaires… avec un "mais"

Depuis cette année, le décret Paysage qui organise notamment les conditions de réussite des années d’études a changé, d’après une réforme poussée par la ministre Valérie Glatigny. Sa motivation était d’apporter de la clarté sur la réussite ou non d’une année. Par le passé, certains étudiants pouvaient traîner des examens ratés pendant plusieurs années. Désormais, 100% des cours de première année doivent être validés au cours des deux premières années pour continuer. Par ailleurs, une remédiation obligatoire est inscrite au programme des étudiants qui auront validé moins de 30 crédits en première année.

"On est contre cette réforme depuis le début parce qu’il va exclure des étudiants, conteste Emila Hoxhaj. Cette réforme n’agit pas sur la précarité des étudiants. Il indique comment il faut réussir et comment on est sanctionné si on ne réussit pas, mais il ne règle pas le problème des étudiants qui vont travailler pour payer leur loyer plutôt que d’étudiant lorsqu’il est précaire. Cette réforme est élitiste et la ministre l’affirme : "l’enseignement supérieur est une école de vie où tout le monde ne réussit pas à la fin", mais qui est ce "tout le monde" ? Ce seront les précaires. Nous demandons à la ministre de revenir sur cette réforme et de s’attaquer aux problèmes qui mènent à l’échec."

En première année, les taux de réussite sont encore moins bons : 41% des examens ont été réussis en janvier 2023 contre 43% en 2018-2019. "On voit certains examens dont le taux d’échec est de 99%. Je pense à un examen de psychologie de bac 1 quasi impossible à réussir. Comment voulez-vous une réussite sans davantage d’encadrements ? En bac 1, le taux de réussite est de 50%. Est-ce qu’on peut se féliciter d’un tel taux ? Ne faudrait-il pas une vraie aide à la réussite ?"

À l’image de la réforme des rythmes scolaires dans l’enseignement obligatoire, l’enseignement supérieur prépare aussi sa réforme des rythmes. Les examens de janvier auraient lieu avant Noël, ceux de juin passeraient en mai et ceux de deuxième session auraient lieu en juillet. "On est d’accord avec une réforme du rythme mais on devrait regarder l’ensemble des éléments qui composent ce rythme : comment se fait-il qu’on ait des semaines de blocus et des périodes d’examen si longues ? En partie parce que les étudiants ne se rendent plus en cours car ils doivent jobber à la place d’aller en cours. D’autres étudiants ne vont plus en cours car il n’y a pas assez de place mais doivent rattraper le cours en podcast après le cours. Tant qu’on n’aura pas réglé les méthodes d’apprentissage, tant qu’on n’aura pas refinancé et réinvesti dans des évaluations pertinentes, on ne pourra pas sacrifier nos semaines de blocus."

Le budget de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles est pourtant élevé : 1,8 milliard d’euros par an, refinancé chaque année à hauteur de 80 millions d’euros. "Bien sûr que c’est un gros budget, c’est un service public sur lequel on doit pouvoir compter. L’enseignement est un droit pour tous et toutes. Et notre éducation servira par la suite à la société dans son ensemble donc on appelle la Fédération Wallonie-Bruxelles à sortir de cette enveloppe fermée."

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