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Emeutes en Suède : qui est Rasmus Paludan, l’homme qui voulait brûler des Corans pour se faire élire ?

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Par A. Dulczewski

De violentes émeutes secouent la Suède depuis jeudi dernier. 26 personnes ont été arrêtées dimanche après des affrontements entre la police et les manifestants. La raison ? Des manifestants protestent dans plusieurs villes du pays contre un groupuscule d’extrême droite qui se targue de brûler des éditions du Coran en public, mais aussi contre les autorités suédoises qui n’ont pas interdit cet autodafé à cause de la liberté d’expression. À la tête de ce groupuscule d’extrême droite, on retrouve une figure qui n’est pas méconnue : le Dano-Suédois Rasmus Paludan. Par le passé, l’homme avait déjà attiré l’attention en brûlant des Corans et en s’essayant à la politique. Qui est-il et que représente-t-il réellement ? On fait le point.

Extrémiste chez les extrémistes

Rasmus Paludan, 40 ans, s’est d’abord lancé en politique au Danemark, son pays natal. Extrémiste chez les extrémistes, il se retrouve carrément évincé du parti d’extrême droite danois Nye Borgerlige en 2017 après un discours dans lequel il promet aux "ennemis étrangers" que leur sang "inondera les rues et les villes du Danemark" et finira "dans les égouts auxquels ils appartiennent". Ecarté, il fonde son parti "Stram Kurs" (Ligne Dure) et utilise l’extrême provocation pour se faire connaître. Rasmus Paludan attise la haine, il prône la déportation de tous les musulmans du Danemark et s’affiche en brûlant des Corans parfois recouverts de bacon dans des quartiers à forte communauté musulmane.

Et ça marche. Alors que son parti n’a pas encore toutes les signatures nécessaires pour pouvoir se présenter aux élections législatives danoises de 2019, Rasmus Paludan continue ses autodafés du texte sacré de l’Islam. Un jour, alors qu’il s’amuse à jeter dans les airs un Coran (et à le laisser tomber sur le sol) au milieu d’un quartier populaire de Copenhague, deux hommes tentent de l’attaquer. Cet événement provoque alors des émeutes dans le quartier et des affrontements avec la police. Mais moins de deux semaines après cela, le parti de Rasmus Paludan obtient le nombre suffisant de signatures pour se présenter aux élections.

Manifestant contre Rasmus Paludan à Copenhague (Danemark) en avril 2019.
Manifestant contre Rasmus Paludan à Copenhague (Danemark) en avril 2019. © Ritzau Scanpix

À l’époque, le journal Le Monde décrit Rasmus Paludan un "provocateur professionnel" qui admet lui-même avoir comme "seul objectif d’être 'connu et reconnu'". Le Monde s’inquiète alors de le voir dépasser le seuil de 2% nécessaires pour rentrer au Parlement danois. Mais les sondages qui lui donnaient jusqu’à 3,9% des voix se trompent : son parti Stram Kurs atteint finalement à peine 1,8%, avec 63.000 voix. Pas d’entrée au Parlement danois pour Rasmus Paludan donc, il reconnaît d’ailleurs lui-même sa défaite.

Tout ça pour ça ? Pourrait-on se demander. Le quotidien danois Politiken révèle d’ailleurs les montants exorbitants dépensés par la police en 2019 pour assurer la protection de Rasmus Paludan et des autres éléments de son parti : 114 millions de couronnes danoises, soit plus de 15 millions d’euros.

Rasmus Paludan part à la conquête de la Suède

Mais Rasmus Paludan ne compte pas s’arrêter là. Son idée : traverser le détroit d'Øresund et partir à la conquête du voisin suédois. En 2020, il prévoit d’organiser une manifestation anti-musulmane à Malmö, au sud de la Suède, mais se voit refuser l’accès au territoire. La police de Malmö justifie cette interdiction par la crainte voir Rasmus Paludan commettre une "infraction en Suède" et par le risque que "son comportement […] constitue une menace aux intérêts fondamentaux de la société".

Mais Rasmus Paludan gardait une carte dans sa manche : la nationalité suédoise. Grâce au mariage de ses parents, dit-il, il réussit à obtenir la nationalité suédoise et devient dano-suédois. La Suède ne pouvant dès lors pas refuser l’entrée à l’un de ses ressortissants, Rasmus Paludan gagne l’accès au territoire suédois… Mais aussi à ses listes électorales.

Avec une nouvelle version suédoise de son parti Stram Kurs, le désormais Dano-Suédois vise en effet les élections législatives suédoises de septembre prochain. Sauf que, rebelote, son parti n’a pour l’instant pas les signatures nécessaires pour pouvoir se présenter aux élections. Dans ce contexte, Rasmus Paludan lance donc une tournée de "manifestations" à travers la Suède en utilisant son éternelle technique de publicité : brûler des Coran sur la place publique.

C’est exactement le genre de réactions violentes qu’il veut voir

Malgré leur intention affichée, les manifestations de Rasmus Paudan sont autorisées par la police suédoise au nom de la liberté d’expression. Mais à Linköping, Norrköping ou encore Malmö, cette annonce provoque la colère de contre-manifestants qui affrontent violemment la police. Bilan : 40 blessés en quelques jours, 26 policiers et 14 civils. Rasmus Paludan, lui, on le sait, a brûlé un Coran à Malmö.

De son côté, la Première ministre suédoise a réagi en défendant la liberté d’expression et en soulignant que "c’est exactement le genre de réactions violentes qu’il (Rasmus Paludan, ndlr) veut voir." Ajoutant que "le but même est d’inciter les gens à s’opposer les uns aux autres".

Entre-temps, cette affaire a déjà donné lieu à des protestations dans le monde arabe. La diplomatie irakienne a convoqué le chargé d’affaires suédois et déclaré qu’il s’agissait d’un acte "provocateur pour les sentiments des musulmans et offensant pour ce qu’ils ont de sacré". Tandis que l’Arabie saoudite a "condamné les agissements de certains extrémistes en Suède et leurs provocations contre les musulmans".

Une voiture incendiée à Orebro (Suède) le 15 avril 2022.
Une voiture incendiée à Orebro (Suède) le 15 avril 2022. © Tous droits réservés

Des actions en France et en Belgique

Notons que Rasmus Paludan ne se limite pas ses actions à la Scandinavie. Fiché S par la Sûreté de l’Etat en France, il a été arrêté en novembre 2020 à Paris et reconduit à la frontière car il prévoyait de brûler des Coran près de l’Arc de Triomphe lors des cérémonies de commémorations de la Première Guerre Mondiale.

La même année, cinq de ses partisans ont été interdits de séjour en Belgique après avoir planifié de se rendre à Molenbeek pour y brûler un Coran sur la place publique.

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