Belgique

Elia développe un noeud autoroutier de transport d'électrons en Belgique

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Par Lucie Dendooven

Chaque jour nous sommes des millions de Belges à consommer de l'électricité pour cuisiner, repasser, ou encore consulter notre ordinateur. Si nous pouvons accomplir toutes ces tâches c’est qu’au même instant des centrales électriques, des éoliennes ou encore des panneaux photovoltaïques nous fournissent l’énergie nécessaire.

Mais, le saviez-vous, si l’électricité circule à la vitesse de la lumière, elle ne se stocke pas vraiment, ou alors dans des quantités infimes par rapport aux besoins de consommation électrique de chaque instant, des industries, des maisons ou des hôpitaux de notre pays. Pour veiller à l’équilibre constant entre production et consommation d’électricité, il y a Elia.

19.275 kilomètres de câbles de haute tension et 30 millions d'utilisateurs

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Depuis 2000, la société Elia est le gestionnaire de transport d’électricité haute tension en Belgique. C’est une société anonyme cotée en bourse, mais dont les actionnaires majoritaires sont les communes, les provinces et les intercommunales. La société occupe un monopole dans le pays, tout simplement parce qu’il est difficile d’imaginer de doubler les câbles de haute tension en Belgique avec une société concurrente.

Pour mieux comprendre le rôle d’Elia, nous nous sommes rendus à son centre de contrôle. Nous ne pénétrons pas précisément dans la salle mais dans une pièce vitrée, juste au-dessus, qui nous offre une vue imprenable sur un mur de dix mètres de long couvert d’écrans. Nous y voyons, notamment, une énorme carte de la Belgique et de ses pays voisins, sillonnée de lignes correspondant à celles de haute tension. Un chiffre attire, tout particulièrement, notre attention : " 50 hertz ". Philippe Carton, responsable du centre de contrôle d’Elia, nous le décrypte: " Ce que vous voyez là, c’est un indicateur d’équilibre entre la production et la consommation d’électricité. Si on commence à consommer plus que ce que l’on produit, le système va ralentir c’est-à-dire que le 50 hertz va commencer à descendre. Dans certaines limites, ce n’est pas grave, nous sommes préparés pour ça. Mais si ça dévie trop, certains consommateurs vont se déconnecter du réseau. Parfois, cela peut avoir un effet de boule de neige qui va devenir de plus en plus grave. ".

Entendez par là que nous risquons un black-out. Mais aujourd’hui, comme tous les autres jours de l’année, Elia veille au grain. Le chiffre oscille à peine entre 49,9 et 50,2 hertz. Si la consommation augmente Elia dispose d’ordinateurs pour mettre la production au diapason

Pour acheminer l’électricité dans toute la Belgique, Elia a développé un réseau de haute tension de 8500 kilomètres. Le groupe Elia est également présent en Allemagne où il est actionnaire majoritaire de la société 50 Hertz qui couvre un territoire équivalent à l’ancienne Allemagne de l’Est. Grosso modo, le groupe Elia gère en Belgique et en Allemagne 19.275 kilomètres de câbles de haute tension et approvisionne 30 millions d’utilisateurs..

Nemo Link et Alegro, deux énormes chantiers pour agrandir les capacités d'interconnexion de la Belgique avec ses voisins

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Ces dernières années Elia a énormément investi dans le renouvellement de son réseau, tout particulièrement dans ses interconnexions avec les pays voisins comme nous l’explique Jean Fassiaux, porte-parole d’Elia : " Ces trois dernières années, nous avons développé une interconnexion sous-marine avec le Royaume-Unis qui s’appelle Nemolink et nous avons également ouvert une interconnexion avec l’Allemagne qui s’appelle le projet Allegro ". Toutes ces nouvelles interconnexions ont augmenté considérablement les flux d’échange avec les pays voisins. Aujourd’hui, Elia a une capacité d’importation d’électricité de 5000 MW d’électricité (l’équivalent de la production simultanée de cinq centrales nucléaires en Belgique).

A la question, pourquoi Elia a-t-elle autant privilégié ces interconnexions ces dernières années, Jean Fassiaux nous répond sans détours : " plus nous sommes connectés aux pays voisins, plus nous avons de possibilités d’amener de l’électricité quand nous en avons besoin en Belgique. Il y a des avantages également au niveau de l’intégration du renouvelable. Avec ces interconnexions, les excédents de production de renouvelable produits dans chaque pays peuvent être utilisés et consommés dans les pays voisins. Ces interconnexions sont donc très utiles pour l’intégration du renouvelable. "

Elia, une plaque tournante du transport d'électricité et du renouvelable

A l’avenir, Elia pronostique que l’éolien Offshore, installé en mer du Nord, pourrait représenter une capacité de production de 300 Gigawatts, de quoi alimenter largement l’Europe du Nord et de l’Ouest en Electricité.

" L’idée est de collaborer avec les pays voisins de manière à pouvoir intégrer un maximum de ce potentiel offshore à la fois chez nous et dans les pays voisins et pour ça nous pouvons développer toute une série d’interconnexions marines qui permettront à l’avenir de connecter l’Europe avec plusieurs parcs éoliens offshore ".

 

Si le porte-parole d’Elia appuie son propos sur l’éolien off-shore, c’est qu’il a de bonnes raisons de le faire. Plusieurs observateurs de notre paysage énergétique nous le confirment. Ces dernières années, la place d’Elia est devenue celle d’une plaque tournante du transport d’électricité en Europe. La Belgique est un véritable ‘nœud autoroutier’ des électrons, entendez par là que l’électricité transite par notre pays que ce soit pour aller vers la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Unis. Mieux encore, elle est aussi, le pays par où rentrera l’électricité produite par les éoliennes off-shore de la mer du Nord comme nous le confirme Ronnie Belmans, ingénieur en systèmes énergétiques, fondateur d’Energyville, et président d’honneur du conseil d’administration d’Elia : " Elia en combinaison avec TenneT , le gestionnaire de réseaux des Pays-Bas tiennent en main toute la gestion de l’énergie renouvelable off-shore depuis la Pologne jusqu’à la France, à l’exception du Danemark. TenneT gère tout le réseau électrique du centre de l’Allemagne et l’ensemble du réseau des Pays-Bas. Elia est l’actionnaire majoritaire de 50 Hertz, le gestionnaire du réseau de haute tension de l’Allemagne de l’Est. Depuis la frontière polonaise jusqu’à la frontière française Elia et TenneT sont prêts à accueillir, gérer, contrôler et faciliter le transport de l’électricité qui sera produite par les éoliennes offshore de la mer du Nord."

Une analyse partagée par Dominique Woitrin. Cet ancien patron de la Creg, le régulateur de l’électricité en Belgique, ne cache pas sa fascination pour la toile d’araignée d’électrons créée en quelques années par Elia : " Elia s’inscrit clairement dans le réseau européen et dans les échanges d’énergie, et notamment d’énergie renouvelable "  Et il donne un exemple avec ce qui s’est passé lors de la tempête Malik en Europe, ces dernières semaines : " On voyait une production d’électricité éolienne off-shore énorme, puis c’est passé en Belgique et au Danemark et puis c’est passé en Allemagne. Il y a eu une vague de puissance éolienne qui est partie de l’Irlande jusqu’à l’Est de l’Allemagne et qui s’est échangée sur les réseaux. ".

 

Elia juge et partie dans le débat sur le futur énergétique?

Si Elia a développé au maximum ses interconnexions avec les pays voisins pour mieux profiter de l’actuelle et de la future électricité renouvelable, certains observateurs pensent qu’elle est de ce fait, devenue juge et partie lorsque, dans son rapport remis au gouvernement, elle entérine la décision de fermer les centrales nucléaires et de les remplacer par 2000 MW provenant de centrales au gaz toujours à construire. Philippe Hendrickx est représentant à la Confédération nationale des cadres et porte-parole de la plateforme citoyenne ‘Citizen Energytaskforce’.  Il s’étonne : " Ils ont eux-mêmes dit dans leur rapport qu’à l’horizon 2030-40, que la Belgique allait être importatrice d’électricité de manière structurelle à près de 30% voire plus. Forcément, ça favorise les flux de transit au travers des réseaux de haute tension. On peut imaginer qu’ils s’y retrouvent puisque c’est leur métier de base de transporter les électrons via les réseaux et les interconnexions dans les autres pays. ".

 

Philippe Hendrickx craint par-dessus tout un risque d’approvisionnement de l’électricité en Belgique si elle dépend trop des importations, d’autant que partout, autour de la Belgique, les capacités de production de centrales électriques (gaz, charbon, nucléaire) diminuent. Selon Philippe Hendrickx, le rapport d’Elia reconnaîtrait ce problème de sécurité d’approvisionnement mais ne le mentionne pas dans ses conclusions.

 

Ronnie Belmans rétorque que le choix des ressources énergétiques est fait par les hommes politiques. Il enchaîne : " Les mettre à disposition du consommateur belge et européen, c’est la tâche de Chris Peeters (patron d’Elia) avec ses équipes ".

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