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Elections en Turquie : malgré des sondages favorables, Erdogan peut-il encore perdre sa place ?

© AFP

Par Corentin Laurent

Le second tour de l’élection présidentielle en Turquie a lieu ce dimanche. Lors du premier tour, Recep Tayyip Erdogan a obtenu une avance de cinq points (49,5%) et 2,5 millions de voix sur son rival, le social-démocrate Kemal Kilcdaroglu (45%), candidat d’une alliance disparate de six partis allant de la droite nationale à la gauche.

"Si le peuple nous emmène au second tour, nous le respecterons", déclarait Erdogan, combatif et entouré de ses soutiens, à l’issue des premiers résultats. " Nous allons absolument gagner ce second tour", prédit le chef du CHP, Kiliçdaroglu.

Les derniers sondages – qui s’étaient trompés avant le premier tour – accordent cette fois-ci une avance semblable à celle obtenue au premier tour : le chef de l’État l’emporterait une nouvelle fois de cinq points. Reste cependant une inconnue : les 8,3 millions de voix qui ne se sont pas exprimées lors du premier tour, malgré une participation de 87%.

La diaspora, qui a pu voter jusqu’à mardi soir, s’est pourtant davantage déplacée avec 1,9 million de bulletins contre 1,69 million. La mobilisation pourrait donc être plus importante lors de ce second tour.

Les quelques points de pourcentages qui séparent les deux adversaires font une différence considérable tant la marge de manœuvre électorale semble saturée pour le représentant des six partis d’opposition et d’un Recep Tayyip Erdogan qui devrait désormais jouer sur sa stature d’homme fort de la Turquie.

Une coudée d’avance

Si les analystes se prémunissent toujours d’une potentielle surprise, "raisonnablement on peut considérer qu’Erdogan s’achemine vers une victoire", estime Didier Billion, Directeur adjoint et spécialiste de la Turquie à l’IRIS, l’institut de relations internationales et stratégiques.

"Les dynamiques politiques qui sont issues d’un premier tour sont déterminantes pour le second tour, que ce soit en Turquie ou ailleurs", rappelle l’expert, alors les cinq points de pourcentages qui font la différence entre Erdogan et son adversaire donne au président sortant une avance qui demeure confortable.

La longueur d’avance est davantage marquée par le scrutin législatif. La coalition entre l’AKP de Recep Tayyip Erdogan et les nationalistes du MHP semble recueillir la majorité absolue des sièges au parlement. Gouverner sera donc, de toute façon, difficile pour la coalition opposée. Erdogan et ses soutiens en sont conscients et la promesse de la stabilité politique, d’une continuité entre l’exécutif et le législatif, joue considérablement en la faveur du président sortant.

Le troisième homme

C’est l’autre surprise de ce scrutin présidentiel. Un troisième candidat a défié les projections et s’empare de 5.2% des suffrages, il s’agit de Sinan Ogan, un nationaliste placé à la droite radicale de l’échiquier politique. L’outsider endosse désormais un rôle crucial pour l’issue du second tour.

"Le centre de gravité politique que représente ce 3e candidat, c’est clairement du côté de la droite la plus radicale et donc plutôt en faveur de l’AKP d’Erdogan et son allié d’extrême droite", constate Didier Billion, "tout ça sera évidemment accompagné de tractations, peut-être que des postes lui seront offerts, à lui ou aux membres de son parti".

Plus proche idéologiquement d’Erdogan, tout ce que semble pouvoir espérer Kemal Kiliçdaroglu de ce troisième homme, c’est qu’il appelle ses électeurs à voter en leur âme et conscience plutôt que de les inviter directement à soutenir le président sortant mais "connaissant la tonalité assez radicale, assez agressive de ce candidat, je pense que ce n’est pas ce qu’il va faire. Je pense qu’il va expliquer que pour la capacité de la Turquie à relever les défis qui sont nombreux, il est préférable de se rallier à Erdogan", estime le spécialiste de la Turquie.

Confirmation a été donnée ce lundi puisque Sinan Ogan a annoncé qu’il soutiendra Erdogan au second tour. Un désavantage supplémentaire pour les soutiens de la coalition d’opposition, avec un taux de participation à l’élection qui côtoie les 87%, il n’y a plus de grande réserve d’électeurs mobilisable pour rattraper le retard du premier tour.

Un boulevard pour Erdogan ?

Tout peut encore se jouer mais face à la marge de manœuvre limitée de son adversaire, Erdogan semble confiant sur l’issue du scrutin.

"Il l’a déjà fait, il va fait se présenter comme l’homme indispensable à la Turquie, le seul capable de relever les défis de la Turquie", prédit Didier Billion. Des enjeux tant domestiques, notamment économique, que géopolitique, "il a une posture internationale que n’a pas Kiliçdaroglu, il va jouer là-dessus".

L’issue de ce premier tour historique a en tout cas eu l’intérêt d’exprimer de manière chiffrée et "limpide", la fracture de la société turque. "Une fracture voulue, organisée et instrumentalisée par Erdogan et ça donne des résultats pour lui, du point de vue de ses intérêts", conclut le spécialiste.

Elections en Turquie : JT du 15/05/2023

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