Daria nous conte ses mésaventures : "Une certaine menace existe parce que cette année en mars, j’ai assisté au forum des élus municipaux indépendants. Au bout de 20 minutes, nous avons tous été arrêtés et j’ai reçu une amende maximale alors que je n’ai jamais eu de problème avec la loi ! Je reste dans les clous. Dix ans que je conduis une voiture, et je n’ai jamais eu d’amende !"
Faire de la politique en Russie s’apparente parfois au parcours du combattant pour l’opposition, explique Daria : "Si on met entre parenthèses toutes les difficultés qu’on a pour s’enregistrer, le plus grand facteur qui empêche les candidats de se présenter aux élections, c’est l’absence de la société civile. Le but du régime autocratique c’est de préserver le pouvoir le plus longtemps possible. […] Le pouvoir fait tout pour ne pas permettre le développement de cette société civile. Empêcher les réunions citoyennes dans les cours d’immeubles par exemple. Pour que les gens ayant des idées proches ne puissent pas se rassembler, réfléchir et discuter sur tel ou tel problème".
Daria Youdina analyse le succès du pouvoir de Vladimir Poutine : c’est le facteur stabilité, avec ce bémol que c’est une stabilité qui dépend beaucoup des cours du pétrole. Mais elle pointe aussi ses faiblesses : il ne se renouvelle pas. Elle lâche même le mot "stagnation", employé pour décrire l’état de l’URSS sur sa fin pendant l’ère Brejnev.
Une loi pour museler l’opposition
Irina Fatyanova a dirigé le QG de l’opposant emprisonné Alexei Navalny. Elle a connu des descentes de police, les écoutes, et enfin la prison pendant 10 jours.
Ce sont les conséquences de la loi sur les organisations extrémistes prise début juin. Les membres de ces organisations sont exclus de toute participation aux élections, explique Irina Fatyanova.
"Ce qu’ils appellent extrémiste n’a aucune base judiciaire ! Et ça n’a rien à voir avec les organisations extrémistes, précise-t-elle. C’est une nouveauté dans la politique russe, c’est un moyen qui permet de détruire complètement une structure et d’interdire de faire légalement de la politique en Russie. C’est un geste de désespoir, car d’autres moyens et même la répression n’aident plus."
C’est peut-être la dernière élection en Russie où il n’y aura pas que les bulletins de Russie unie
Irina Fatyanova se souvient du retour d’Alexei Navalny à Moscou après sa convalescence en Allemagne et raconte comment les policiers ont tout fait pour empêcher un comité d’accueil d’être là à sa descente d’avion. Les contrôles, le changement du plan de vol au dernier moment. Toujours les intimidations.
Mais elle n’a pas peur et le proclame sur ses tracts électoraux : "Je n’ai pas peur ! N’ayez pas peur ! […] Mais ça ne veut pas dire que je n’ai pas du tout peur, ça veut dire que, moi, comme chacun, je me rends compte des risques. Mais à mon avis, le plus horrible est de ne pas lutter contre cette crainte. C’est cela, la force : te rendre compte que tu as peur, mais être prêt à montrer avec ton exemple que c’est possible de changer quelque chose. Bien sûr, je me rends compte qu’ils peuvent monter une affaire pénale contre moi. […] Mais qui sait ? C’est peut-être la dernière élection en Russie où il n’y aura pas que les bulletins de Russie unie".
Irina Fatyanova déplore le manque d’indépendance entre le pouvoir législatif et exécutif dans son pays, les dérives de la justice, l’absence de médias indépendants. Elle critique aussi la politique étrangère du Kremlin : l’aide à la Biélorussie, les subsides au Venezuela… Au lieu de consacrer ces moyens au développement économique de la Russie.
Des menaces pour les candidats indépendants
A 24 ans, Ksenia Lavrova est déjà élue locale à Saint Pétersbourg, indépendante de tout parti, et elle ambitionne un siège au Parlement régional cette année.