Le suspense bat son plein en Italie alors que sa classe politique devra élire un nouveau président de la République à partir de lundi prochain et du premier tour d’un scrutin singulier, propice aux coups de théâtre. Entre candidats publics ou secrets, coalitions fragiles, tactiques dignes d’une compétition sportive et incertitudes, le jeu politique bat son plein pour désigner le successeur de Sergio Mattarella (80 ans). Car le seul prétendant officiel, Silvio Berlusconi, ne bénéficie a priori pas du soutien nécessaire pour être élu.
C’est une spécialité médiatique à l’approche de l’élection présidentielle tous les sept ans : le "totonomi", sorte de concours de pronostics pour deviner qui remportera le scrutin au suffrage indirect. Officiellement, rares sont les candidats déclarés à ce poste doté de pouvoirs politiques limités mais importants en cas de crise, et les médias italiens s’amusent alors à dresser quotidiennement la liste des potentiels prétendants. De la présidente du Sénat Maria Elisabetta Casellati à l’éternel Silvio Berlusconi, de la ministre Marta Cartabia au sénateur Pier Ferdinando Casini, du candidat récurrent Giuliano Amato à l’actuel président du Conseil Mario Draghi.
Certains membres du collège électoral pourraient même être tentés de relancer l’idée Francesco Totti, l’ancienne star du football et champion du monde 2006 qui avait recueilli cinq votes au premier tour de l’élection en 2015.
Des élections spéciales
Mélange d’arrangements en coulisses, de bluff et de folklore politique, l’élection présidentielle italienne épouse une forme particulière. Chef de l’Etat et garant des institutions en Italie, le président de la République est choisi par les 1009 "grands électeurs" issus des deux chambres du Parlement ainsi que des conseils régionaux. Pour prendre ses quartiers au palais du Quirinal à Rome, il doit recueillir les voix de deux tiers du corps électoral (soit 672 votes) au premier, deuxième ou troisième tour de scrutin, ou la majorité absolue (505 votes) à partir du quatrième tour. En 2015, le juge constitutionnel Sergio Mattarella avait été élu à l’issue du quatrième tour avec 665 voix.
Un poste à pourvoir parce que le 12e président depuis le changement de constitution en 1948 n’a pas l’intention de rempiler, malgré les appels à prolonger un mandat apaisant dans le chaos politique des dernières années. "Mattarella est considéré comme très populaire en Italie car il incarne la médiation, il calme les passions", analyse Marc Lazar, professeur à Sciences Po à Paris et à la LUISS (Libera Università Internazionale degli Studi Sociali) de Rome, interrogé par l’agence Belga. "Ses messages sont particulièrement choisis, il ne participe pas aux talk-shows où s’affrontent les responsables politiques, et il apparaît comme le père de tous les Italiens."