Ecolo a, le premier, fait sa rentrée politique, ce week-end, à Massembre. On voit deux choses quand on arrive dans un domaine de Massembre envahi par des Ecolos : d’abord certainement la plus grande concentration de Cambio, les voitures partagées, et puis, au loin, il y a la centrale nucléaire française de Chooz. Drôle de paradoxe, d’ailleurs. D’ici deux ou trois mois, la Belgique pourrait potentiellement définitivement tourner le dos au nucléaire, mais la question n’a pas spécifiquement été abordée dans les discours d’hier. Sur les réseaux sociaux, la semaine dernière, une polémique bruyante a vu le MR attaquer la secrétaire d’Etat à l’Egalité des genres Sarah Schlitz à propos d’une participation à une activité en non-mixité choisie : comprenez sans homme. Les discours n’y ont pas fait mention, et les coprésidents n’ont pas plus répondu à nos questions, à ce propos, lors des interviews. Ces dernières semaines, c’est à Bruxelles que le ministre Alain Maron est sous le feu des critiques, à cause des chiffres insuffisants de la vaccination. Ça aussi, ça n’a pas été abordé. Il y avait comme une atmosphère de sérénité, alors que le parti a particulièrement souffert, au minimum en termes de communication, ces derniers temps. Et ce alors que quatre dossiers vont rythmer les prochains mois au fédéral : le nucléaire, la réforme des pensions, celle du travail ou encore la réforme fiscale. Ces quatre dossiers, ce sont de vrais gros débats qui n’ont pas été tranchés lors de la formation du gouvernement.
Mauvais souvenirs ?
Et ça, ça peut rappeler de mauvais souvenirs aux verts. "Le gros problème de l’arc-en-ciel est que, vu le minimalisme des accords gouvernementaux réduits à de grandes lignes, tous les rapports de force sont reportés en cours de législature. Or les grandes lignes cachent les détails. Et le diable se cache parmi ceux-ci." On pourrait croire qu’il est question du gouvernement fédéral actuel, mais ça concerne bien l’arc-en-ciel du début du siècle. C’était un extrait du livre "Ecolo, l’écologie de l’action politique", tome 2, signé de feu Benoit Lechat et Jonathan Piron, aux éditions Etopia, le centre d’études d’Ecolo. Le livre revient, entre autres, et avec moult détails sur cette période très douloureuse pour le parti écologiste, la première participation au pouvoir. À l’époque, Ecolo en souffre, plus qu’il n’en profite. Pour les auteurs, en 2003, il manquera aux écologistes "un récit global permettant de prendre la juste mesure de l’exercice du pouvoir, de se rendre compte collectivement qu’il n’est ni une stérile pénitence, ni un miracle démiurgique, mais un travail modeste et patient qui permet de changer les choses."
Vingt ans plus tard, c’est à nouveau un arc-en-ciel côté francophone et pourtant, impossible de faire un parallèle avec 99-2003. Entre effondrement de la social-démocratie et poussée des populismes, entre l’écologie vue comme un gadget et les marches pour le climat, le contexte est très différent. Et puis, le parti a profondément changé. Les remises en question publiques, les réactions épidermiques, c’est du passé. Vous vous souvenez qu’en juillet, les ministres Ecolo (et PS aussi) ont mis leur démission sur la table à propos de la grève de la faim des sans-papiers ? Ce dossier non plus n’a pas été abordé dans les discours. Il n’était question que d’urgence climatique, d’un nécessaire partenariat avec la nature. Et ceci, aussi : "Culturellement, nous avons remporté des batailles", a ainsi déclaré Jean-Marc Nollet. Les Ecolos ont eu raison, souvent trop tôt, mais les partis traditionnels doivent bien l’admettre aujourd’hui, disait-il en substance. Hier, à Massembre, il y avait comme une certitude d’être dans le sens de l’histoire, le sentiment que le projet d’Ecolo est, d’une certaine façon, inéluctable. Est-ce cela l’âge de raison ? On le verra, dans les mois et années à venir. A la fin de la législature, lors des futures élections, lors d’une éventuelle prochaine défaite dans les urnes. Et surtout, Ecolo sera entré dans l’âge de raison s’il accepte l’idée que le pouvoir ne peut être autre chose que modeste et patient.