À l’époque, l’idée de devoir soudainement devenir belge ne plaisait pas à tout le monde dans les cantons de l’Est. Alors que les habitants de Malmedy et ses environs, francophones, étaient heureux d’être enfin débarrassés des "Prussiens", les habitants des cantons de Saint-Vith et D’Eupen ont dû intégrer un "nouvel" État malgré eux.
Un an plus tard, la Belgique a organisé une consultation populaire dans les cantons de l’Est, mais les règles posent question : seuls ceux qui étaient contre l’annexion des territoires à la Belgique devaient s’inscrire, ils étaient 272 à l’avoir fait. En réalité, environ 33.000 personnes auraient eu le droit de voter à ce moment-là. Les personnes qui ont donné leur nom à l’époque ont été soumises à des représailles.
Dans les années suivantes, ces nouveaux Belges ont plus ou moins réussi à se frayer un chemin et à s’intégrer dans la structure étatique belge. C’était sans compte la montée du national-socialisme dans l’Allemagne voisine…
Allemagne nazie
Dans les années 1930, le nazisme a polarisé les habitants de la région, certains n’arrivaient pas à choisir leur camp. Lors des élections législatives de 1936, le parti proche d’Hitler, le "Heimattreue Front", a appelé les électeurs à voter blanc, ce que fit à l’époque la majorité des Belges des cantons de l’Est. Ils étaient majoritairement en faveur à un retour au Reich allemand renforcé.
La Seconde Guerre mondiale a cependant laissé des blessures encore plus profondes. Certains Belges des cantons de l’Est ont été enrôlés dans l’armée belge, beaucoup d’autres ont rejoint volontairement la Wehrmacht ou d’autres unités allemandes.
Comme en Alsace-Moselle et au Grand-Duché de Luxembourg annexés par l’Allemagne, les habitants des cantons de l’Est sont soumis à la conscription en tant que citoyens allemands depuis le "décret du Führer" du 23 septembre 1941. Pendant la Bataille des Ardennes, Saint-Vith, aujourd’hui la deuxième plus grande ville de l’espace germanophone belge, a été complètement détruite par plusieurs bombardements et certains villages ont également subi de graves dommages au cours de violents combats.
Vers plus d’autonomie
À la fin de la guerre, les Cantons de l’Est sont redevenus belges. La souffrance de la guerre a laissé des traces : tout ce qui sonnait ou semblait allemand était suspect. Dans les années 1950, la culture allemande des Belges des cantons de l’Est était mal vue et leur langue maternelle était plutôt détestée dans le reste de la Belgique. Cette perception changera au fur et à mesure des années.
En 1963, la région de langue allemande est créée dans la foulée des lois linguistiques. La première réforme de l’État belge aboutit le 31 décembre 1970 à la création de la Communauté culturelle allemande.
Un Conseil culturel de 25 membres voit le jour en 1973. Même s’il ne dispose au départ que de compétences consultatives, il deviendra une véritable assemblée législative en 1983 et disposera d’une autonomie électorale. Les Belges de la Communauté germanophone disposent par la même occasion de leur propre gouvernement.
Belgique de l’Est
À l’heure actuelle, la Communauté germanophone compte neuf communes et 77.000 habitants. Les habitants de cette région ont la réputation d’être les plus Belgicains des Belges. En mars 2017, le gouvernement d’Oliver Paasch (ProDG) a d’ailleurs échangé l’appellation "Communauté germanophone de Belgique" pour "Ostbelgien", "Belgique de l’Est".
À l’issue des élections de mai 2019, la Communauté germanophone était la première entité à constituer un gouvernement : la coalition sortante ProDG, PFF (libéraux) et SP (socialistes) a rempilé pour un mandat (13 sièges sur 25).
La Belgique de l’Est est par ailleurs précurseur en matière de participation citoyenne dans notre pays : des citoyens vont pouvoir directement être à la base de décisions qui les concernent au quotidien.