"Je ferai de belles choses pour ce pays "
Quand il a demandé l'asile, il a dit qu'il était mineur et originaire d’Érythrée: "C’est écrit que ça vient du Home Office, du gouvernement. Ce sont mes papiers pour vivre au Royaume-Uni. Et ça, c'est ma vraie carte d’identité. Il lit ce qui est écrit dessus: "Type de permis : permis de séjour. Travailler est autorisé. C’est un but atteint pour moi, parce que je suis passé par la Belgique, par la France. J'ai vécu dans la jungle. C'était très dur. Maintenant, j'ai vraiment un avenir qui s'ouvre à moi. Je remercie vraiment le gouvernement et la société britannique. Je ferai de belles choses pour ce pays. J’aimerais devenir ingénieur"… - Et tu te sens comment ici à Londres ? Tu aimes la ville ? "Oh Londres, Bruxelles, Paris, tout se ressemble ! Mais à Londres, ils se soucient des réfugiés. Je pense que ça devient petit à petit ma maison! Je me sens bien". Il explique qu'il a quitté son pays parce qu'il n'y avait pas de futur.
Quand il le pourra, Solomon rentrera dans son pays. Mais d'abord, il veut aller en Belgique, revoir les familles qui l'ont accueilli: "La Belgique me manque. J'aime tellement les Belges".
Jacob, au Royaume-Uni depuis avril, demandeur d'asile
Un peu plus loin, dans un petit restaurant de Londres, on rencontre Jacob. A l'entrée, deux hommes coupent de la viande, sur un petit comptoir. Dans le fond, la salle de restaurant plongée dans une ambiance tamisée. Des baffles diffusent de la musique. Ou plutôt "des prières orthodoxes. Tout le monde écoute ces prières le dimanche matin dans mon pays".
Voyage dans le frigo d'un camion
Jacob a une carrure très large. Il porte autour du cou une petite croix en bois. Plus timide et réservé que son ami. Lui, attend toujours des nouvelles du Home Office, l’administration qui se charge des demandes d’asile. Il reprend son histoire depuis son arrivée: " Quand on a pris un camion en Belgique, on était dans un grand frigo et on ne pouvait donc pas sortir par nous-mêmes. On a du attendre que quelqu'un vienne nous ouvrir. Donc on frappait à la porte du camion. La police est arrivée et elle nous a ouvert. On a demandé l’asile. Quand on est arrivé, on criait ! J’ai appelé mes amis restés à Calais et en Belgique. Il y avait quelqu’un qui chantait. J’étais heureux, très heureux. C’est une réussite pour nous".
Des cours et de l'inquiétude
Depuis, Jacob vit dans une petite maison, en dehors de Londres. Sous la surveillance du Home Office. Ou plutôt de la société privée à qui le Home Office a sous-traité le logement des demandeurs d'asile. Jacob explique: "Je vis dans une maison avec mes amis. Nous sommes 4. Et une chambre est réservée à l’assistante sociale qui s’occupe de nous. Elle vient le matin et elle quitte le soir. Elle est là 5 jours sur la semaine". Un hébergement différent des grands centres ouverts que l’on connaît en Belgique.
"J'aurai mes papiers, je crois en Dieu"
4 fois par semaine, Jacob va à l'école. Il a des cours de mathématiques, d'ESOL, c'est à dire des cours d'anglais, et des cours d'informatique: "J’aime vraiment ça, même si c'est difficile de se concentrer. Cela fait longtemps que je ne suis plus allé à l'école". Et puis il attend sa deuxième interview [NDRL: qui a eu lieu entre temps]. La première était une interview de "screening": Je suis un peu stressé. J'ai peur que ça ne se passe pas bien. J'espère qu'ils me garderont. Mon rêve, c'est de vivre comme je l'entends. Et je voudrais devenir ingénieur électricien". - Et si tu es débouté, que feras-tu? "Je ne veux pas en parler. J'aurai mes papiers. Je crois en Dieu".
Jacob explique que dans son pays, l'Erythrée, étudier aurait été impossible: "Le président est un dictateur et quand tu parais fort, on t'envoie des papiers pour le service militaire, je n'aurai pas eu la liberté d'y faire ce que je voulais".
"Si c'était à refaire, je ne le referais pas "
Mais à la question de savoir si ce voyage en valait la peine, Jacob répond: "Si c'était à refaire, je ne le referais pas. Quand j'ai quitté mon pays, je n'avais pas d'informations sur le voyage. J'ai suivi mes amis. Ils disaient que' ça se passerait bien, que ça serait facile. Mais quand vous y êtes, c'est très très dur. Un de mes amis est mort quand on a traversé le désert. Sur le chemin, mort de soif et de faim. Et en Libye, on n'a plus vu la lumière du jour pendant plusieurs mois. On se douchait à l’intérieur, on mangeait à l’intérieur. C'était la même chose qu'une prison".
Mathias, au Royaume-Uni depuis février 2018, demandeur d'asile, vient de sortir de détention
Direction Liverpool, à deux heures en train de Londres. Mathias nous reçoit dans son logement, une petite maison dans un quartier proche du centre-ville. Il vit ici avec quatre colocataires, aussi des demandeurs d'asile. La maison a des airs de kot. Le sol colle sous nos pas: " Tu sais, avant, on faisait des tournantes pour le ménage. Mais j’étais en détention le mois dernier. Donc quand je suis rentré il y a deux jours, je ne pouvais pas en croire mes yeux quand j’ai vu tout ce bazar".