Tendances Première

Droit - Consentement sexuel : ce qu'il faut savoir

La notion de consentement racontée par le biais d’un témoignage

© Editions Grasset

Yasmine Lamisse, chroniqueuse juridique, aborde la notion du consentement en droit en s’inspirant du livre " Le consentement " de Vanessa Springora.

Le consentement, définition

C’est l’action de donner son accord.

En Belgique, nous vivons dans un état de consensualisme. Le consensualisme, c’est le principe juridique selon lequel tout contrat naît dès lors qu’il existe un échange d’accord de volonté ou de consentement (le contrat n’est soumis à aucune condition de forme préétablie pour exister). On pense souvent qu’il faut signer un contrat papier pour que le contrat naisse mais ce n’est pas le cas. Dans tout rapport juridique, quand on a échangé les consentements, le contrat est né. Le contrat papier que l’on signe n’est qu’une preuve de la conclusion d’un contrat.

Quand on achète un pain, il y a un accord qui se fait sans qu’on signe de contrat et le ticket sera la preuve de l’achat.

En droit romain, c’était le formalisme qui prévalait c’est-à-dire le principe juridique selon lequel tout contrat était soumis à des formes préétablies pour être valable.

 

Dans son livre, Vanessa Springora définit le consentement dans le domaine moral : c’est un acte libre de la pensée par lequel on s’engage entièrement à accepter ou à accomplir quelque chose.

Le Consentement " est un livre témoignage dans lequel l’autrice raconte l’emprise et la relation qu’elle a eues avec un écrivain parisien célèbre de 36 ans son aîné. Elle avait 13 ans lorsqu’elle l’a rencontré et 14 ans lorsqu’ils ont entamé une relation amoureuse. Elle se pose la question : le consentement d’une jeune enfant d’à peine 13/14 ans qu’elle était n’était-il pas vicié et n’aurait-il pas dû être davantage pris en compte ? C’est notamment à partir de ce livre que dorénavant, dans tous les rapports juridiques actuels et pour toutes nouvelles lois qui sont prises actuellement, on va s’intéresser davantage à cette notion de consentement.

 

Le consentement de la prétendue victime davantage pris en compte

La publication de ce livre a déclenché un tollé en France. Des procédures judiciaires sont en cours actuellement.

Ce qui a changé et qui importe aujourd’hui, outre la libération de la parole des victimes qui est déjà en cours depuis quelques années, c’est le regard et l’écoute différente des victimes et le regard plus approfondi sur la notion de son consentement.

On a réfléchi davantage à cette nouvelle définition du consentement. L’aspect très théorique et commercial ne suffit plus. On va s’approcher davantage de l’aspect de la relation sociale. Il sera dorénavant davantage pris en compte dans toute relation, qu’elle soit factuelle ou de droit, qu’elle soit en justice ou avec des nouveaux projets de loi.

L’inceste en Belgique

Une proposition de loi sur l’incrimination de l’inceste, est mise en place aujourd’hui par Vanessa Matz, députée fédérale cdH. Elle a voulu mettre la notion de consentement en exergue, la définir correctement et en tenir davantage compte sous son aspect éclairé. On se pose la question du rapport d’influence. Est-ce qu’un adolescent de 13/14 ans a-t-il la maturité et le recul nécessaire pour pouvoir s’engager dans ce type de relation incestueuse ? Et c’est là qu’est tout le débat.

L’idée c’est de proposer dans cette loi, jusque 18 ans, une présomption irréfragable de non-consentement. On ne va pas prendre en compte son consentement mais on va considérer que l’enfant de 18 ans ou moins n’a d’office pas consenti à une relation incestueuse et c’est à la partie adverse à prouver qu’elle a bien consenti. On retourne la charge de la preuve, ce qui est inédit.

Les faits d’incestes seront également rendus imprescriptibles (contrairement en France où une prescription est prévue). Ce qui permettra à tout moment à la victime de pouvoir déposer plainte.

Le point commun avec toutes ces victimes, c’est que ce sont des adultes aujourd’hui, qui ont pris la maturité et le recul nécessaires pour pouvoir avoir le courage d’en parler et de porter plainte. Elles vont dénoncer en tant qu’adultes, et se rendre compte que ces faits incriminés n’étaient pas normaux.

Le flou existe longtemps dans la tête des victimes car il n’y a pas nécessairement de violence exercée de la part de l’auteur des faits incriminés. C’est peut-être une personne pour qui la victime a de l’affection ou qui a une certaine autorité sur la victime. Il faut un certain délai et un certain recul pour que ce soit clair dans l’esprit de la victime pour qu’elle puisse dénoncer les faits.

 

Le Garde des Sceaux français, Eric Dupond-Moretti, a émis le même souhait de fixer un seuil de non-consentement à 18 ans pour l’inceste.

À l’Assemblée Nationale française, une autre proposition de loi, a été déposée récemment et elle concerne toutes atteintes et agressions sexuelles au sens large, principalement sur les mineurs, ce qui est différent de la proposition de loi belge sur l’inceste. Et ici on parle plus de la majorité sexuelle.

 

La majorité sexuelle et le consentement en Belgique

La majorité sexuelle c’est l’âge à partir duquel un mineur civil peut entretenir une relation sexuelle avec un majeur sans que ce dernier commette une infraction pénalement réprimée.

Elle est fixée à 16 ans en Belgique.

 

La majorité sexuelle et le consentement en France

Elle est fixée à 15 ans.

On parle de délit sexuel et d’atteinte sexuelle.

Cette nouvelle proposition de loi, votée récemment au Sénat, pas encore à l’Assemblée Nationale française vise à instaurer un crime sexuel pour les enfants de 0 à 13 ans.

On parlera alors d’agression sexuelle et de crime sexuel (et non plus de délit sexuel) sur ces mineurs avec la non-prise en compte de leur consentement (sans que la justice n’ait besoin de s’interroger sur l’éventuel consentement de l’enfant).

Si on parle de crime et plus de délit, c’est pour que la sanction soit plus importante.

Cette nouvelle proposition de loi ne vise pas à descendre l’âge de la majorité sexuelle de 15 à 13 ans mais bien à requalifier de crime toute relation jusqu’à 13 ans et incriminer davantage. Mais il y a toujours un flou entre 13 et 15 ans. C’est pour cela justement que cette notion de consentement revient encore en jeu. Il s’agit en fait du consentement qui ne serait pris en compte qu’à partir de 13 ans, ce qui est également très vivement contesté et critiqué par beaucoup de politiques et personnalités qui souhaiteraient voir le consentement pris en compte à partir de 15 ans.

 

La notion de consentement dans l’inceste et la majorité sexuelle

Il y a deux situations à distinguer et à ne pas confondre : l’inceste et la majorité sexuelle qui sont approchés sous le prisme du consentement.

Dans ces deux cas, que ce soit la proposition de loi sur l’incrimination de l’inceste en Belgique ou en France, la proposition de loi sur l’incrimination de relations et d’agressions sexuelles sur les mineurs de 0 à 13 ans, qui sont en train d’être mises en place, on parle vraiment de cette notion de consentement qui avant n’était pas vraiment évoquée ni prise en compte.

En Belgique, il y a encore du pain sur la planche pour que la nouvelle loi soit prise sur l’incrimination de l’inceste mais aussi pour écouter davantage les voix des victimes, les considérer et analyser davantage leur consentement. C’est pour cela que le rôle du citoyen et des médias reste essentiel et important.

 

En savoir plus

Le Consentement

de Vanessa Springora

Paru aux éditions Grasset

 

Tendances Première : Les Tribus

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