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Droit à l’avortement : en Pologne, Justyna Wydrzyńska risque trois ans de prison

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Par Camille Wernaers pour Les Grenades

Edit du 8 avril

Justyna Wydrzyńska, une militante du collectif Abortion Dream Team, a été jugée le 8 avril devant le tribunal régional de Varsovie-Praga pour avoir aidé une femme à avorter. Il s’agit vraisemblablement du premier procès de ce genre dans le pays et en Europe selon le média polonais Gazeta Wyborcza. À la demande du procureur, des représentants d’Ordo Iuris, une organisation ultra-conservatrice et anti-avortement, ont assisté à l’audience.

L’activiste a refusé de plaider coupable. Une manifestation de solidarité a eu lieu devant le bâtiment du tribunal. La prochaine audience aura lieu en juillet, après enquête et en présence des différent·es témoins.


L’activiste féministe polonaise Justyna Wydrzyńska risque trois ans de prison pour avoir aidé une femme à avorter. Elle est l’une des fondatrices, avec Natalia Broniarczyk et Kinga Jelińska, du collectif Abortion Dream Team, qui lutte en Pologne pour le droit à l’avortement – plus précisément pour les avortements autogérés par les femmes – et propose des conseils et des informations à ce sujet.

Au début de la pandémie, en 2020, Justyna Wydrzyńska a répondu à l’appel d’Anna, une Polonaise enceinte de presque 12 semaines victime de violences conjugales et dont les pilules abortives commandées à l’étranger tardaient à arriver. Elle espérait pouvoir se rendre en Allemagne pour avorter, mais son mari a menacé de la dénoncer.

Perquisitionnée et accusée

Face à cette situation, l’activiste lui a alors envoyé un paquet de pilules abortives. Le mari d’Anna, qui surveillait les communications de sa femme, a appelé la police. Les pilules de Justyna ont été confisquées et son domicile a été perquisitionné. Les pilules confisquées par la police dans l’appartement de Justyna contenaient du mifepristone et du misoprostol, deux médicaments figurant sur la liste des médicaments essentiels de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle est depuis accusée d’avoir aidé une femme à avorter illégalement et de posséder des médicaments abortifs sans autorisation.

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Le collectif Abortion Dream Team fait partie d’Avortement sans frontières (Aborcja Bez Granic), une coalition de six ONG polonaises et internationales qui soutient les femmes dans le pays qui ont besoin d’avorter à l’étranger ou d’obtenir des médicaments abortifs pour interrompre une grossesse à domicile, en toute sécurité. "L’accompagnement que fournit Justyna Wydrzyńska est vital. Mais, au lieu de valoriser son travail et de le reconnaître d’utilité publique, les autorités polonaises la harcèlent comme bon nombre de militantes et de militants dans le pays", souligne Amnesty International. L’organisation a lancé une pétition pour la soutenir.

"Je ne m’excuserai pas"

"Je crains que cette affaire n’ait un effet dissuasif sur les personnes qui ont besoin d’informations et de soutien, car elles ont peur que le fait de nous appeler ou de nous écrire puisse être dangereux pour nous et pour elles", explique quant à elle Justyna Wydrzyńska au site The Cut. "La campagne #IamJustyna vise donc à montrer que nous n’arrêterons pas de travailler et que nous n’aurons pas peur de ces accusations. Et je ne m’excuserai pas pour cela."

L’accompagnement que fournit Justyna Wydrzyńska est vital

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Durcissement de la loi sur l’avortement

C’est la première fois qu’une activiste est poursuivie pour ces raisons depuis le durcissement de la loi concernant l’avortement en Pologne. La première audience de son procès a eu lieu ce 8 avril.

Une affaire qui rappelle celle des deux féministes perquisitionnées et poursuivies en Belgique pour avoir commandé des pilules abortives pour le Chili.

En Pologne, le gouvernement conservateur a annoncé en janvier 2021 l’interdiction presque totale de l’avortement, ce qui a entraîné de nombreuses manifestations dans le pays. Les femmes polonaises ne peuvent normalement plus avorter sauf en cas de viol ou d’inceste, ou lorsque la vie de la mère est en danger.

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Moins d’un an plus tard, en novembre 2021, Izabela est décédée dans un hôpital parce que les médecins ont refusé de pratiquer l’avortement de son fœtus, non viable, choisissant d’attendre qu’il meure naturellement in utero, ce qui a entraîné la mort de la patiente par choc septique.

"En tant que femme en Pologne, je m’inquiète. Pas seulement d’être rejetée par les hôpitaux si jamais j’ai besoin d’avorter, mais surtout que ma voix ne soit pas entendue par la société", expliquait une des manifestantes contre cette nouvelle loi, Weronika, à la RTBF.

Le 25 janvier 2022, et après avoir déjà survécu à un arrêt cardiaque, Agnieszka meurt à l’hôpital dans des circonstances similaires. Par peur de poursuites, les médecins n’osent désormais plus pratiquer des avortements, y compris dans les cas où la vie de la mère est en danger.

Pologne : la bataille de l’avortement – Archives JT

Pologne : la bataille de l'avortement

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