Belgique

Dotations publiques, cotisations des membres, revenus immobiliers... comment les partis politiques sont-ils financés ?

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Avec un total de 134 millions de patrimoine, les caisses des partis politiques en Belgique se portent très bien. Dotations, cotisations des membres, revenus immobiliers… Analysons les résultats financiers pour comprendre comment les partis politiques belges sont financés.

Comme chaque année depuis 1989, les partis politiques doivent publier leurs rapports financiers. En ligne depuis début juillet, ces documents publics regorgent d’informations qui permettent de voir comment les partis politiques belges gèrent leurs finances.

Cette obligation de publication provient de la loi du 4 juillet 1989, retouchée à maintes reprises, qui établit le financement privé des partis et interdit les dons en provenance de personnes morales et d’associations de fait.


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Depuis que les entreprises ne peuvent plus soutenir financièrement des partis politiques, c’est l’État qui met la main aux portefeuilles. Au total, les partis politiques ont reçu plus de 73 millions d’euros en 2020 de la part de l’État. En moyenne, ces contributions publiques belges représentent plus de trois quarts des revenus des partis.

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En lisant ces données issues des comptes de résultats, on constate que le PTB et DéFI dépendent proportionnellement le moins des contributions publiques : elles représentent respectivement 51 et 55% de l’ensemble de leurs recettes.

De l’autre côté, ce sont l’Open VLD et le cdH qui diversifient le moins leurs revenus étant donné que respectivement 95% et 93% de leurs recettes proviennent directement de l’État.

Chaque parlement fonctionne différemment

Chambre, Régions, Communautés, provinces… Chaque parlement et conseil provincial en Belgique octroient de l’argent aux partis politiques selon ses propres règles. Prenons l’exemple de la Chambre : chaque parti représenté à l’hémicycle reçoit un forfait de 125.000 euros. Ce montant, indexé d’année en année, s’élève à 185.743 euros pour 2020. Un montant supplémentaire est aussi prévu en fonction du nombre de votes (3,17 euros/vote).

Notez que, si un parti est représenté à la Chambre et au Sénat (ce qui est le cas de tous sauf DéFI), il reçoit aussi un forfait supplémentaire de 74.297 euros + 1,27 euro/vote.


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A cela s’ajoute encore le soutien au fonctionnement des groupes politiques : 65.476,93 euros par parlementaire qui fait partie d’un groupe politique. L’attribution de ce soutien découle d’une décision du Bureau de la Chambre : pour être reconnu, un groupe doit être composé d’au moins 5 membres, ce qui est le cas de 146 des 150 parlementaires à la Chambre.

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Au total, les deux assemblées du parlement fédéral ont donc octroyé près de 9,6 millions d’euros aux 12 partis représentés à la Chambre. Si on divise les soutiens obtenus par le nombre d’électeurs qui ont voté pour tous ces partis (6,5 millions), on obtient la valeur d’un vote pour le fédéral : 6,35 euros par an (donc près de 32 euros pour une législature de cinq ans).

Étant donné que chaque parlement/conseil provincial adopte ses propres règles, les montants accordés aux partis politiques varient en fonction du niveau de pouvoir. Si vous habitez en Communauté germanophone ou en Flandre, votre vote va valoir plus ou moins d’argent si vous élisez des partis représentés dans les parlements.

Les mandataires francophones sont les plus généreux

En plus des contributions octroyées par les différents niveaux de pouvoir, les partis ont pour coutume de demander à leurs mandataires de contribuer aux caisses du parti. Ces rétrocessions constituent en moyenne 11% de l’ensemble des rentrées des partis politiques.

Les élus francophones reversent globalement plus à leurs partis que les néerlandophones. À eux seuls, les dons des mandataires PS, Ecolo et le PTB représentent près de 6,5 millions d’euros, soit 61% de l’ensemble. Remarquons que le PTB est un parti bilingue, dont la majorité des élus sont francophones.


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Chez DéFI, les contributions des mandataires représentent plus de 45% des revenus du parti alors qu’ils ne reversent "que" 590.000 euros. Etant donné que le parti de François De Smet est le plus petit parti de la Chambre, il reçoit le moins de contributions publiques et met donc ses mandataires à contribution.

Le PTB et Écolo arrivent tous les deux à la deuxième place (24%), suivi par le PS (17%). Le MR et le cdH font figure d’exception chez les francophones : les cotisations de leurs mandataires représentent environ 4%, bien en dessous de la moyenne.

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Du côté néerlandophone, tous les partis sont en dessous de la moyenne des 11%, ce sont par ailleurs les mandataires de l’Open Vld qui sont le moins généreux envers leur parti. Avec 54.104,80 euros au total, les contributions des membres de l’Open VLd ne représentent que 0,9% des revenus du parti.

Le politologue Bart Maddens explique cette différence entre les mandataires du nord et du sud du pays : “Les revenus des partis francophones sont moins élevés que ceux de leurs homologues flamands étant donné qu’il y a moins d’électeurs en Wallonie qu’en Flandre."

Cotisation des membres : le PTB hors catégorie

Chaque parti reçoit aussi de l’argent de ses membres. En regardant le montant des cotisations, on peut voir indirectement l’évolution du nombre de ses membres. Et la conclusion est amère pour les partis traditionnels : entre 2016 et 2020, les cotisations ont diminué entre 20 et 30% pour le PS, MR, CD&V, Open Vld, sp.a, cdH et DéFI.

Sur la même période, les cotisations des membres de la N-VA ont augmenté de 12%, Ecolo de 27%, Groen de 50% et le PTB de 59%. Mais c’est le Vlaams Belang qui enregistre la plus grande progression avec +81%.

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Avec plus de 1,9 million d’euros en cotisations, le PTB est hors catégorie. Les cotisations des membres PTB représentent à elles seules 46% de l’ensemble des cotisations reversées aux partis politiques. A l’exception du CD&V (5,4%) les cotisations des membres des autres partis ne dépassent jamais les 4%.

Le PTB propose différents niveaux de cotisation : membres consultatifs, membres de groupe et militants. Plus on grimpe dans la hiérarchie, plus on reverse d’argent au parti et plus on acquiert de responsabilités. “Les militants sont des membres qui s’engagent fortement dans le travail du parti. Ils respectent certaines règles financières. Les cotisations augmentent donc au fur et à mesure qu’un militant prend plus de responsabilités dans le parti, une sorte de 'pare-feu contre les arrivistes'", explique Ivo Flachet, porte-parole du PTB.

La N-VA tire 6% de ces revenus de l’immobilier

Certains partis, la N-VA en tête, investissent dans l’immobilier, ce qui leur permet de diversifier leur portefeuille. Grâce à l’achat du bâtiment au 47 rue Royale à Bruxelles, le parti nationaliste flamand génère des revenus du patrimoine immobilier de l’ordre de près de 777.000 euros, ce qui représente 6% des revenus totaux du parti.


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La stabilité financière de la N-VA ne dépend donc pas de ces revenus immobiliers, mais ils mettent du beurre dans les épinards. Le parti est bien loin devant tous les autres à ce niveau-là : 80% des revenus issus du patrimoine immobilier de tous les partis viennent de la N-VA.

Dons limités depuis 1989

Depuis la loi du 4 juillet 1989, les personnes morales et les associations de fait ne peuvent plus faire de dons aux partis. Cette prise de conscience fait écho à certains scandales de corruption entre le privé et les politiques, comme les affaires Inusop, Agusta et Dassault.

Seuls les particuliers peuvent encore soutenir leurs champions électoraux, mais de manière limitée : pas plus de 2000 euros par an et maximum 500 euros par candidat.

Cette manière d’alimenter les caisses des partis est assez rare. Il y a juste le PTB qui en a tiré profit en 2018 et 2019 (près de 5% des revenus ces années-là), notamment grâce à l’organisation d’un crowdfunding.

En 2017, le CD&V a pour sa part déclaré d’un coup plus de 616.000 euros de dons, un montant énorme par rapport aux autres années. Eline Dhaen, directrice de la communication du parti, justifie : "Il s’agit d’un legs d’un bien immobilier".

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Nous venons de passer en revue 5 des 7 "produits sur activités courantes" détaillés dans le compte des résultats des partis. Il reste encore les produits divers et les recettes de manifestations, de publications et de publicité. Cette dernière catégorie de revenus provient généralement de la vente de brochures, de livres, d’abonnements au magazine ou des revenus générés lors d’activités.

Le graphique ci-dessus reprend l’évolution de toutes les sources de revenus sur activités courantes des partis entre 2016 et 2020. De manière générale, les contributions publiques, déterminées en partie par votre vote et financées par vos impôts, oscillent autour de 80% des revenus des partis.

"Les partis représentés dans les assemblées parlementaires ont une dépendance forte, voire très forte à ces sources de financement publiques", conclut Jean Faniel, directeur du CRISP. "Préfère-t-on ce système plutôt qu'un financement privé avec les dérives que l'on a connues ? Par ailleurs, les montants sont-ils ajustés aux besoins des partis politiques?"


Dans le cadre de la semaine de la démocratie du 4 au 8 octobre, la RTBF a lancé sa page spéciale "Bye-Bye, la démocratie ?". Vous y retrouverez toute une série d’articles consacrés aux enjeux de la démocratie, dont le financement des partis politiques.

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