[MAJ 14/11/2022 : La sortie du film a été annulée en Belgique suite au boycott évoqué dans le dernier paragraphe]
Si vous habitez dans une grande ville, vous avez sans doute déjà vu un ces slogans collés clandestinement au mur, lettre par lettre : "On ne veut plus compter nos mortes", "On respectera les murs quand vous respecterez nos corps", "Vous gérez aussi bien la planète que nos clitoris", etc. Depuis quelques années grandit dans les mouvements féministes un désir de se réapproprier l'espace public dominé par les hommes, en introduisant tantôt des messages de solidarité, tantôt des attaques qui vises des personnes spécifiques.
Partis à la rencontre de ces personnes qui se livrent aux collages clandestins, les cinéastes Marie Perennès et Simon Depardon ont entrepris de documenter leurs activités. Tourné dans dix villes françaises, leur film "Riposte Féministe" accompagne différents groupes dans leur activité de collage, mais aussi dans leur quotidien, que ce soit leurs réunions associatives ou leurs discussions amicales autour d'un verre. C'est au cœur de leurs interactions que le documentaire puise sa force vive : la riposte est craintive, mais elle est aussi joyeuse, et il se dégage une vraie puissance de ces scènes de sororité, entre anxiété face aux menaces de la rue et complicité dans la rébellion.
Faisant écho sans entrave à leurs propos, "Riposte Féministe" semble adhérer complètement à leurs idées et n'offrent pas de contrepoint aux discours militants tenus tout au long du film. C'est un choix que certains lui reprocheront sans doute, mais qui a aussi son mérite : ce n'est pas si souvent que leurs points de vue a une vraie place dans les médias. Là où le bât blesse, c'est que le film en lui-même n'est pas vraiment en adéquation avec ses personnages. Passant de ville en ville, dans un montage très sage, le film adopte une esthétique qui n'est pas en accord avec la rébellion qu'il évoque. Produit par France Télévisions, il suit prudemment les mêmes codes que bien d'autres documentaires avant lui, et n'en dérive jamais, au risque de lasser.
Au-delà de ses limites esthétiques et narratives, le documentaire souffre peut-être d'un problème plus important. Le film n'est en effet pas du goût de toutes les féministes qui y figurent : il y a quelques jours de cela, le groupe "Lesbiennes contre le patriarcat" a appelé au boycott de "Riposte Féministe", puisque les cinéastes les ont filmés sans leur consentement, et sans contextualiser leurs apparitions. La collective dénonce une récupération de leurs luttes, ainsi que "le mauvais traitement et la mise en danger" de leurs membres. À l'heure actuelle, le sujet n'est pas encore clos, mais cette interpellation a de quoi susciter quelques interrogations sur les valeurs et la cohérence du documentaire.