Le sirop de Liège devenu halal par les voies du Seigneur a fait couler beaucoup d'encre. Désignant ce qui est permis ou légitime, le mot halal apparaît pour certains comme une croisade alimentaire visant à modifier le contenu de nos assiettes. Nous avons interrogé des experts, des chercheurs et des islamologues, dont certains n’ont voulu s’exprimer que sous le couvert de l’anonymat. Preuve que le sujet reste particulièrement sensible.
1) Que change la nourriture halal pour les non musulmans ?
Quel que soit l’interlocuteur, la réponse immédiate est invariablement : "Rien du tout". Pour Michael Privot, islamologue et musulman, il faut considérer le sigle halal comme "un label" chargé de rassurer le consommateur musulman. D’un point de vue commercial, c’est aussi un marché en croissance. Sauf pour les entreprises de catering. "Dans les avions et les restaurants d’entreprise ou scolaire, les gestionnaires doivent réaliser leur bénéfice en proposant l’offre la plus à même de satisfaire un maximum de personnes. Dans ce contexte, il ne reste souvent que la nourriture végétarienne et le poulet". Dans les supermarchés, le commerce halal augmente au contraire l’offre en rayon par une plus grande diversification. Et les clients ne sont pas tous musulmans, loin s’en faut.
2) Comment expliquer la recrudescence de la nourriture halal chez les musulmans d’Occident ?
Michael Privot constate une importance croissante de la nourriture halal depuis 15 ans. "Les migrants de première génération mangeaient du cochon sans grande difficulté. L’augmentation de la demande vient à la fois de la revendication identitaire et de l’émergence des marchés ethniques. La nouvelle génération de musulmans se positionne en tant que musulmans en mangeant de la viande halal, parfois sans même prier et en buvant de l’alcool". Surtout dans une période dé crispation identitaire. Et l’offre augmente aussi, car sous un angle capitaliste, c’est un marché à prendre.
3) Quelle sanction en cas de non-respect des règles halal ?
L’interdit alimentaire ne constitue pas, dans la religion musulmane, un "délit" important.
Pour une chercheuse à l’UCL, la "gravité" du non-respect des règles halal s’est construite dans le temps. La sanction est ici d’ordre personnel et moral. Pour chaque croyant, existe une marge d’interprétation de la loi. Si le salafiste s’en tient strictement à la tradition, certains musulmans croyants et pratiquants accepteront une préparation "de lapin à la bière" au hasard d'une invitation chez des amis chrétiens. Pour cette chercheuse, "Refuser de manger avec l’autre c’est mettre une distance entre nous et les autres. Cela pose tout le défi du vivre ensemble aujourd’hui".
Comme pour le Ramadan, le respect des règles halal s’inscrit dans un rapport individuel entre le croyant et Dieu, argumente Michael Privot : "S’il y a sanction, ce sera dans l’au-delà. Mais on voit que le manger halal est parfois plus respecté que la prière alors que le halal n’est pas l’un des piliers de l’islam". Si la majorité des musulmans respectent le régime halal, d’autres l’adaptent à leurs habitudes alimentaires. Le seul tabou puissant est l’interdiction du porc qui est un prescrit coranique.