Le déclic
Cela faisait longtemps que Claire Touzard se disait qu’il y avait un problème, parce qu’elle buvait seule. Le déclic a eu lieu quand elle a rencontré son ami, qui ne buvait plus depuis deux ans et demi. Grâce à lui, elle s’est rendu compte qu’on pouvait être sobre et être heureux. Elle a eu peur aussi de le perdre. Cela fait maintenant un an et un mois qu’elle a arrêté l’alcool.
Son alcoolisme passait inaperçu auprès de son entourage, comme si elle n’avait pas le 'profil', comme si ça ne la concernait pas. L’alcoolisme social ou courant est accepté par tout le monde : on boit beaucoup, mais finalement un peu comme tout le monde : quand on sort, avec des amis, au dîner et parfois seul. En fait, on boit tout le temps, cela devient une habitude ou une sorte de médicament.
"On imagine toujours que l’alcoolique, c’est l’autre, c’est un peu le type qui est sans espoir au PMU du coin. Cela ne peut pas être nous. Moi, j’avançais un peu masquée, puisque je ne représente pas du tout la typologie de l’excès et de l’alcoolique tel qu’on se l’imagine. Donc, quelque part, on ne remettait pas en question mes excès, alors qu’ils étaient bien là."
L’alcool omniprésent
Son sevrage n’a pas été trop difficile physiquement, malgré la sensation constante de manque, le fait d’y penser tout le temps. Ce qui a été le plus difficile, c’est comment le vivre socialement, comment vivre sans alcool en France. Tout rappelle l’alcool et son aspect convivial et festif : dans la rue, les médias,…
L’alcool est partout. Il clignote de sa joie de vivre exubérante.
"Quand on est sobre, on se rend compte qu’on est toujours obligé de refuser, de se justifier. Le plus compliqué est d’associer à l’alcool quelque chose de non festif pour nous. Parce qu’il est festif pour certains, mais quand on a des problèmes avec l’alcool, il ne l’est pas pour nous. Il faut dissocier et disséquer les choses pour s’en sortir."
Les réactions de l’entourage
Il est aussi très difficile d’expliquer son abstinence à son entourage. Les réactions sont très diverses.
Dire qu’on a arrêté de boire, c’est tendre involontairement un miroir à l’autre. Ce que l’autre entend, ce n’est pas : j’ai arrêté de boire. C’est : toi, tu bois trop. Parce que tout le monde se pose des questions sur sa consommation, qu’il le cache ou non, observe Claire Touzard.
Si vous arrêtez de boire, vous remettez en question cet alcool festif, derrière lequel on se cache. Et là, cela pose problème. Tout à coup, on se dit : peut-être que l’alcool n’est pas aussi positif que cela, et les gens n’ont pas envie de l’entendre.
C’est assez fou que ce soit presque considéré comme liberticide d’être sobre. Alors que c’est une liberté. On a le droit d’être sobre. C’est comme si on n’en avait pas le droit parce que c’est être trouble-fête. […] C’est pour ça que je dis dans le livre que finalement, boire c’est une norme, et qu’être sobre, c’est subversif et c’est déconstruire cette norme.