Belgique

"Diminuer la TVA sur l’énergie n’est pas une mesure en faveur des consommateurs, mais bien une mesure en faveur des employeurs" selon Etienne de Callatay, professeur d’économie à l’UNamur

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Par Hugues Angot

Les prix de l’électricité et du gaz flambent, rendant la situation budgétaire très problématique pour de nombreux ménages. Face à de telles augmentations des prix, le ministre des Finances a indiqué la semaine dernière qu’il allait proposer au gouvernement fédéral différentes pistes pour rendre les factures énergétiques moins douloureuses. Sur la table, plusieurs propositions comme la baisse de la TVA, une prime de 200 euros ou encore l’instauration d’un cliquet inversé. Pour faire le point sur cette problématique et analyser les pistes de solutions, QR l’actu a reçu Céline Nieuwenhuys, secrétaire générale de la fédération des services sociaux et Etienne de Callatay, professeur d’économie à l’UNamur.

TVA à 6% sur l'électricité?

L’électricité est un bien de première nécessité. Dès lors est-il normal qu’elle soit taxée à 21%, comme un produit de "luxe"? Pour Etienne de Callatay, il y a de très nombreux produits qui sont taxés à 21% sans être des produits de luxe, les vêtements par exemple. Et puis, l’énergie est polluante alors que d’autres produits ne le sont pas. Pour l’économiste, cette taxe est donc justifiée et il émet des doutes quant à l'intérêt d'une réduction de la TVA : "Réduire la TVA sur l’énergie, ça ne sera pas un cadeau pour les consommateurs. Cela peut paraître surprenant, mais, dans la mesure où il existe chez nous un mécanisme d’indexation automatique des salaires et des prestations sociales, un réduction de la TVA impliquerait que l'indexation pourrait ne pas avoir lieu. En fait, diminuer la TVA sur l’énergie ne serait pas une mesure en faveur des consommateurs, mais en faveur des employeurs".

Pour Céline Nieuwenhuys, ce que l’état empoche grâce à cette TVA doit permettre de mettre en place des mesures ciblées: "1 ménage belge sur 5 souffre de précarité énergétique. Il faut pouvoir aider en priorité ces ménages, plutôt que de mettre en place une mesure linéaire qui ne serait pas efficace. Le Portugal par exemple, a mis en place une aide automatique en fonction du revenu. Ça me semble une piste intéressante".

Etienne de Callatay ajoute que l’état est intervenu de manière massive pour permettre d’aider la population pendant la crise du covid: "Les finances publiques se sont détériorées. Il ne faut pas pour autant mettre en place une politique d’austérité, mais à tout le moins faire preuve de rigueur budgétaire. C’est aussi pour cela qu’il faudrait éviter de diminuer le prix de l’électricité pour tout le monde. C’est impayable par rapport à l’efficacité de la mesure sur le plan social".

Réduire les coûts de distribution ?

Dans notre facture énergie, il y a des taxes "cachées" et il faudrait d’ailleurs plus de transparence à cet égard estime Etienne de Callatay. Il y a aussi dans nos factures des subventions pour l’énergie renouvelable, on peut le regretter mais cela fait partie de l’effort collectif pour réduire nos émissions de CO2 explique le professeur d’économie.

Pour Céline Nieuwenhuys, il faut aussi adapter les taxes. "Pour le moment, vous êtes taxés sur votre consommation mais certains vivent dans des habitations qui sont des passoires énergétiques. Il faudrait peut-être taxer non pas en fonction de la consommation mais plutôt des revenus. La contribution vers une transition plus verte devrait à mon sens se faire une autre base que celle de la consommation".

Mettre en place un cliquet inversé ?

Le système du cliquet inversé existe pour les carburants. Il permet, lorsque des prix augmentent sur les marchés internationaux, de tempérer cette augmentation en jouant sur les accises. A l’inverse, si les prix baissent, on ralentit cet effet de baisse avec une augmentation des accises. Alors pourquoi ne pas mettre en place un tel système pour l’électricité ? "Ce système a l’avantage de lisser les prix. Et ce serait aussi intéressant en termes de compétitivité de notre économie" estime Etienne de Callatay.

Une prime de 200 euros ?

La prime de 200 euros permettrait d’aider rapidement, mais il faudrait sans doute envisager une solution plus structurelle, à entendre la secrétaire générale de la fédération des services sociaux : "Les 200 euros, c’est une solution sparadrap. Et si on accorde cette prime, cela ne doit se faire avec le maintien du tarif social, qui doit normalement s’interrompre au 31 mars. Si c’est le cas, ce sera une catastrophe".

Bloquer les prix ?

L’état n’a pas tout pouvoir dans cette crise énergétique, explique Céline Nieuwenhuys, mais il y a sans doute moyen d'agir. "On a libéralisé le marché en espérant que les prix seraient plus bas. On voit bien que la promesse n’a pas été tenue. Il faudrait peut-être penser à rétablir un fournisseur public".

 

 

 

 

 

 

 

 

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