4) Le cyberflashing est-il une agression sexuelle ?
"Si on envoie une photo de son sexe à une inconnue, c’est une agression", estime le sociologue Alain Giami, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), "Le "cyber-flashing" est un mot nouveau qui désigne quelque chose d’ancien : l’exhibitionnisme. Or par définition, l’exhibitionnisme n’est pas basé sur le consentement. L’idée du cyber-flashing est d’envoyer des messages afin de créer une sensation de mal-être, chez le receveur". On n’est pas dans l’érotique, dans le sens où cela n’entre pas dans les scénarios de la séduction, sauf si vous allez sur un site "fait pour". Il s’agit d’une rupture dans les règles de la communication".
Et le chercheur d’insister : "Il y a la volonté de nuire. Ça apporte du plaisir à l’envoyeur. Les répercussions psychologiques doivent être considérées. Il arrive qu’un tel événement "vous bouffe la vie" : "vous ne dormez plus, vous ne travaillez plus, vous êtes malheureux…".
Près de la moitié des hommes interrogés (43%) espéraient susciter, chez la femme qui recevait l’image non sollicitée d’un pénis, le choc émotionnel (17%), la peur (15%) ou le dégoût (11%)
Etude parue dans The Journal of sex research, volume 57, 2019.
Même opinion pour la sociologue féministe, spécialiste des réseaux sociaux, Illana Weizman : "Depuis que je suis sur les réseaux, je pense que j’ai bien dû recevoir au moins 100 dickpics de gens complètement anonymes ", confie-t-elle.
"Quand je reçois une photo comme ça, que je sois chez moi ou dehors, j’ai un temps de sidération. Ce n’est pas parce que c’est une photo et c’est pas une personne qui va montrer son sexe en face (un exhibitionniste en face de soi) que ce n’est pas choquant. Ce n’est pas du tout une blague ! Et moi, je suis une adulte ! […] J’imagine que c’est encore plus choquant pour des pré-ados, ou des plus jeunes femmes…".
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5) Que cherchent les hommes qui envoient des dickpics ?
En juillet 2019 paraissait une étude pionnière, dans "The journal of sex research", volume 57. Menée sur un échantillon de 1087 hommes hétérosexuels, toutes ethnies, tous âges et tous niveaux d’éducation représentés, l’étude a démontré que 82% des hommes interrogés "espéraient susciter une excitation sexuelle chez la receveuse de l’image".
Nulle part n’apparait une réflexion sur la question du consentement. C’est un grand biais de cette étude : il est impossible de déterminer si les hommes concernés par cette étude sont ou non sensibles à la question du consentement des femmes.
Près de la moitié des hommes interrogés (43%) espéraient susciter, chez la femme qui recevait l’image non sollicitée d’un pénis, le choc émotionnel (17%), la peur (15%) ou le dégoût (11%).
Ainsi, pour la sociologue Illana Weizman, ce phénomène du cyberflashing est un autre des symptômes de la domination masculine : "On est dans un rapport de pouvoir où l’homme décide seul qu’il peut imposer la vision de son sexe à une femme qui n’a rien demandé. On n’est pas dans un rapport de séduction. Parce que s’échanger des photos, faire du sexting etc, quand les deux sont d’accord, okay, il n’y a pas de souci ! Mais là, on est vraiment sur le mode : TON envie, TON désir… et ton consentement ? Je m’en balance complètement ! C’est MOI qui viens, avec MON désir surpuissant t’écraser".