Et encore moins chez Simenon ! Son personnage de Maigret est un commissaire de police qui s’intéresse davantage au criminel qu’au crime. Il faut d’abord comprendre le criminel pour comprendre le crime. Comme chez Chesterton, ce qui compte chez Maigret, c’est la vie, c’est l’exploration de l’âme humaine.
C’est cela qui distingue la plupart des récits de détection anglo-saxons – Agatha Christie, Dorothy Sayers…- de Simenon qui est le premier à mettre en scène un homme comme tout le monde. C’est par l’intuition, par l’instinct que Maigret parvient à trouver le coupable.
Les phénomènes Agatha Christie et Georges Simenon
Agatha Christie traverse les modes, les écoles, les goûts. Elle est constamment rééditée. C’est la reine du crime, mais aussi du crime artificiel, hautement improbable, explique Jean-Baptiste Baronian.
Elle est l’anti-Simenon, comme le montre bien Les Dix Petits Nègres. C’est un jeu sophistiqué dans lequel le lecteur doit intervenir comme complice. S’il ne joue pas le jeu, il ne peut pas admettre le roman d’Agatha Christie, qui est totalement artificiel et ludique.
Au contraire, "Maigret est fascinant parce qu’il est un homme comme les autres, il passe son temps à boire, à fumer, à flâner. Il manifeste une forme de tendresse, d’empathie envers les gens. Il n’est pas le personnage omniscient qu’on présente souvent dans les films. […] C’est mon frère, c’est mon père, c’est mon copain, il y a ça que j’aime énormément chez lui. C’est un homme comme un autre.
Si tout cela tient la route, c’est parce que Simenon est un génie du roman. En trois lignes, il pose un décor, on sent le froid, on sent le chaud. Une grande part du succès de Simenon tient à sa valeur littéraire. Il y a une magie littéraire, une juste adéquation entre ce qu’il dit et la façon dont il le dit et c’est cela qui fait qu’il est aujourd’hui un auteur très moderne", affirme Jean-Baptiste Baronian.