Questions-Réponses

Dette publique fédérale : la Banque centrale européenne peut-elle aider la Belgique en prêtant à taux zéro ?

Le siège de la Banque centrale européenne.

© Belgaimage

"La situation est préoccupante, mais pas alarmante", ce sont les mots qu’a prononcés le Secrétaire d’État pour la Relance et les Investissements stratégiques Thomas Dermine ce mercredi sur le plateau de "QR le débat". "Il y a trois ans, on nous disait que nous irions vers 120% de dettes. Aujourd’hui, nous sommes à 106%." En effet, mi-mars, nous apprenions que le déficit de l’ensemble des pouvoirs publics belges était inférieur en 2023 de 6,2 milliards d’euros par rapport à ce qui était prévu dans le budget initial. De cette façon, le déficit budgétaire du pays s’élève actuellement à 27,4 milliards d’euros, soit 4,8% du Produit intérieur brut (PIB) au lieu des 5,9% attendus.

Mais si le déficit budgétaire n’est pas aussi élevé qu’estimé, il reste trop élevé pour l’Europe. Et pour cause, au printemps 2024, l’Union européenne reprendra les procédures de déficit excessif visant à ramener sur le droit chemin les États-membres dont le déficit budgétaire dépasse les 3% du PIB. La Belgique est donc concernée.

Dans le public de "QR le débat", on s’interroge : si à la suite des crises sanitaire et énergétique, de plus en plus de pays européens voient leur dette publique augmenter, pourquoi la Banque centrale européenne (BCE) ne prêterait-elle pas à taux 0 ? "Parce que c’est interdit", nous répond-on à l’Agence fédérale de la dette.

"Le financement direct des pays par les banques centrales est interdit, c’est l’un des articles de base de la création de la zone Euro. Un pays se finance à l’extérieur et la BCE détermine les taux à courts termes qui sont applicables dans la machine", explique Jean Deboutte, le directeur. "En revanche, il était possible que la BCE finance directement les États membres avant la création de la zone Euro." Et si la règle a changé, c’est pour une raison bien précise : préserver l’Euro et sa valeur. "Nous voulions un système dans lequel les pays ne peuvent pas trop s’endetter", reprend-il. "Investir et s’endetter est une bonne idée mais il ne faut pas emprunter de trop. La BCE travaille pour 20 pays de la zone Euro. Imaginez si tous ces États-membres voulaient emprunter des milliards et des milliards d’euros à taux 0… l’Euro vaudrait-il encore quelque chose ? La monnaie serait en danger. Si on emprunte trop, il est normal de payer un taux d’intérêt plus élevé puisqu’il y a plus de risques pour les investisseurs."

​​​​​​​Annulation de dette, une fausse bonne idée ?

Selon Jean Deboutte aussi, la Belgique n’est pas dans une situation critique. "Comme toujours, la situation budgétaire de la Belgique fait l’objet d’attention, mais nous sommes loin de demander de l’aide à l’Europe pour le taux d’endettement. Les taux d’intérêt sont de moins de 3%, bien loin donc des 30% de la Grèce."

Pas de raison donc pour que le gouvernement déclare ne plus être en capacité de rembourser sa dette. Mais qu’adviendrait-il si cette situation venait à se produire ? Demander une annulation de dette serait-il une bonne idée ? "Les annulations de dettes sont très rares", commente Bertrand Candelon, économiste et professeur à l’UCLouvain. "Et elles sont un très mauvais signal pour les investisseurs puisqu’elles signifient que le pays est dans une crise de paiement. Cela augmenterait également encore la prime de risque demandée pour financer la dette du pays ainsi que le coût du crédit."

"Une autre possibilité en cas extrême", poursuit-il, "ce serait de demander des liquidités à des organisations internationales comme le Fonds monétaire international (FMI) comme l’ont fait la Grèce ou Chypre avec la Troïka. Mais il y a des conditions pour recevoir ces aides. Il faut obligatoirement réformer, couper dans les programmes sociaux. Les organisations internationales ne donnent pas d’argent sans rien. Pour éviter d’en arriver là, nous avons signé avec mes collègues une lettre ouverte pour dire qu’il faut tirer la sonnette d’alarme."

Quelles solutions ?

Pour limiter la dette publique, l’économiste recommande de limiter les dépenses en rationalisant le marché de l’emploi, les pensions, la fiscalité et l’administration. "Ce ne sont pas des idées très populaires, mais si on ne le fait pas maintenant, ce sera très difficile après", assure-t-il. "En revanche, je ne suis pas favorable à l’austérité parce que cela pourrait augmenter le ratio de la dette sur le PIB."

Enfin, taxer davantage les citoyens et entreprises ne serait pas non plus une bonne idée selon lui. "Taxer, c’est bien. Mais le niveau de taxation belge est supérieur à celui de la moyenne en Europe et pourtant, nous faisons partie des trois pays dans lequel le déficit est le plus important", constate-t-il. "C’est parce que nous nous rapprochons de la courbe de Laffer selon laquelle augmenter les taxes finit, à un moment donné, par ne plus générer une augmentation des revenus proportionnelle."

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