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Desmond Tutu, champion de la réconciliation : "Nous avons choisi le pardon plutôt que la revanche pour éviter un bain de sang"

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Par Valérie Hirsch

Le Prix Nobel de la paix, Desmond Tutu, qui s'est éteint ce dimanche à l'âge de 90 ans a prêché toute sa vie en faveur de la réconciliation et du pardon. La "commission vérité et réconciliation" (TRC), qu’il a présidée de 1995 à 1998, a choisi la justice restaurative, plutôt que pénale. Elle a permis de faire la lumière sur les violences passées, en offrant une compensation aux victimes et l’amnistie aux tortionnaires, en échange de leurs aveux.

"Nous avons choisi le pardon plutôt que la revanche pour éviter un bain de sang", explique Tutu dans "Le livre du pardon", un mémento de développement personnel, coécrit en 2014 avec sa fille Mpho.


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La TRC est devenue un exemple dans le monde entier : "Que l’Afrique du Sud, le pays paria, soit devenu un modèle est un humour divin délectable", note Desmond Tutu dans le rapport final de la TRC. Plus de vingt pays ont mis en place des "commissions vérité" en Afrique (Rwanda, Sierra Leone, Burundi, Tchad, Congo), Amérique latine, Asie et dans l’ex-Yougoslavie.

Derrière le pardon, "quelque chose de divin"

Desmond Tutu et d’autres commissaires écoutent les témoignages d’actes de violence commis à l’époque de l’apartheid lors de l’ouverture de la Commission vérité et réconciliation le 15 avril à East London en Afrique du Sud.

Tutu a insufflé une approche très chrétienne aux travaux de la TRC, laquelle n’était pas prévue lors de sa création. Il a ainsi encouragé les policiers, qui ont torturé et tué des militants anti-apartheid, à exprimer leurs remords et les victimes ou leurs proches survivants à pardonner leurs crimes.

"Quand les victimes étaient prêtes à pardonner et embrasser les tortionnaires, je demandais souvent qu’on observe un moment de silence, car on était en présence de quelque chose de divin", raconte Tutu dans une interview au Star, en 2004.

Pour Tutu, s’excuser publiquement est la chose la plus difficile au monde. Les aveux des tortionnaires ont entraîné de nombreux divorces. "Pour les victimes, choisir le pardon permet finalement de devenir plus fort et plus libre", ajoute-t-il dans un de ses livres ("Il n’y a pas d’avenir pardon").

En 2014, il a confié au Guardian qu’il avait lui aussi dû apprendre à pardonner. Son père battait sa mère. "J’ai réalisé tardivement que je n’étais pas seulement en colère contre lui. J’étais en colère contre moi-même […], car je n’avais pas été capable de l’affronter pour protéger ma mère. Il m’a fallu des années pour comprendre que je ne devais pas seulement lui pardonner, mais aussi me pardonner à moi-même."

"Les gens sont fondamentalement bons"

Desmond Tutu (à gauche) embrasse le président sud-africain Thabo Mbeki, le 21 mars 2003, après lui avoir remis le rapport vérité et réconciliation à Pretoria.
Desmond Tutu (à gauche) embrasse le président sud-africain Thabo Mbeki, le 21 mars 2003, après lui avoir remis le rapport vérité et réconciliation à Pretoria. © AFP

L’ex-archevêque du Cap est convaincu que c’est le "système" qui déshumanise l’homme. "S’il y a une leçon que j’ai apprise plus tard dans la vie et que j’aurais aimé connaître à 25 ans, c’est que les gens sont fondamentalement bons […]. Les Blancs croyaient que l’apartheid était juste. Ils pensaient que la meilleure façon d’éviter les conflits en Afrique du Sud était de séparer les deux peuples.".

Pour Tutu, les opprimés d’hier peuvent devenir les oppresseurs de demain. "Nous pouvons nous aussi être ceux qui blessent et ceux qui brisent. La vérité, c’est que nous commettons tous des erreurs et nous avons tous droit au pardon."

En 2014, Tutu avait lancé un "Global forgiveness challenge", une sorte de thérapie online, pendant 30 jours, à laquelle avaient participé des centaines de victimes de violences ou de situation de conflit. "Personne n’est au-delà de l’espoir et tout est pardonnable. Le pardon changer votre vie et changera le monde."

Le 9 octobre 1998, Nelson Mandela (à gauche) reçoit les cinq volumes du rapport final de la Commission vérité et réconciliation des mains de l’archevêque Desmond Tutu.
Le 9 octobre 1998, Nelson Mandela (à gauche) reçoit les cinq volumes du rapport final de la Commission vérité et réconciliation des mains de l’archevêque Desmond Tutu. © Tous droits réservés

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