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Des Vêpres théâtrales : quand un disque en met plein la vue

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Par Pierre Solot via

Il fait quand même du joli travail, Raphaël Pichon ! Outre ses albums précédents qui ont fait se lever la critique, le public a pu légitimement se pâmer devant son Requiem de Mozart mis en scène par Romeo Castellucci. Et ce n’est qu’une petite part des nombreux projets qu’il mène à la tête de son ensemble Pygmalion, avec lequel il propose aujourd’hui ces Vêpres de la Vierge de Claudio Monteverdi dans un double disque splendide paru chez Harmonia Mundi.

Musique étonnante que ces Vêpres, composées au début du XVIIe siècle : certes, une musique vespérale, un recueil qui se referme par le Magnificat dans la joie de Marie enceinte qui rend visite à sa cousine Elisabeth, mais un recueil si hétérogène qu’il interroge quant à sa destination. Le style est étonnamment changeant, les formes alternent entre des pièces polyphoniques et des concerti de solistes, dont on sent les origines plus profanes. Ces 14 compositions pourraient bien avoir été un panier de ressources variées dans lequel piocher sans vergogne, selon les effectifs à disposition et les nécessités liturgiques.

Quoi qu’il en soit, c’est tout ensemble qu’on les retrouve ici au disque, entrecoupées par un Motet de 1626 Sancta Maria succurre miseris, qui vient couper ces Vêpres mosaïques sans pour autant brusquer le miracle.

Le temps paraît dilaté dans cette œuvre fascinante d’un compositeur qui pensait théâtralement la musique, même la musique sacrée. Des Vêpres qui semblent faire appel à bien d’autres cultures qu’à l’Europe chrétienne uniquement : on se perd parfois plus à l’Orient, suivant les inflexions du discours, du côté du Liban, paraissant même parfois entendre le muezzin.

Cette étonnante universalité, probablement intuitive dans le chef de Monteverdi, est au cœur de ce nouvel enregistrement : Raphaël Pichon s’entoure de solistes magnifiques (Céline Scheen, Lucile Richardot, Zachary Wilder…) et propose une lecture tout à fait théâtrale. On a l’impression d’une mise en espace alors qu’il ne s’agit que d’un disque. Bien sûr, la musique est écrite en " zoom " et " dézoom ", alternant l’intime et le monumental, mais Pichon y trouve une énergie toute dramatique, une esthétique cinétique qui induit de puissantes variations de registres, qui vont du chuchotement inquiet à la bravoure d’un chant de gloire. La virtuosité et la prière cohabitent, offrant une indéniable modernité à ces partitions séculaires.

1 double disque Harmonia Mundi – Claudio Monteverdi : Vespro della Beata Vergine – Pygmalion, dir. Raphaël Pichon

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