Si la plupart des indicateurs sont à la baisse en Belgique cette semaine, un seul chiffre reste en hausse de 4% : celui des admissions en unités de soins intensifs (USI). Si ce décalage s’explique par la durée du séjour d’un patient en soins intensifs pour des complications liées au Covid-19, il pose de gros problèmes aux hôpitaux du pays, qui s’inquiètent d’être submergés.
La faute à une pénurie d’effectifs au niveau des infirmiers notamment. "Nous sommes confrontés chaque jour à une pénurie de personnel, explique Johan Demuynck, directeur de la Zorgbedrijf (société des soins) d’Anvers, à la VRT. Il y a environ 1700 employés permanents au travail par jour. Mais en plus de cela, nous avons 80 personnes sous contrat étudiant et 20 à 30 autres personnes en intérim. Au total, nous avons donc besoin de 110 personnes supplémentaires pour pouvoir offrir des soins de qualité".
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Et il n’y a pas qu’en Belgique que la situation est tendue. A Munich, l’hôpital Rechts der Isar est proche de la saturation. "Nous ne sommes pas loin de la capacité maximale, raconte Markus Heim, médecin en chef du service de soins intensifs à l’AFP. Nous avons enregistré, comme partout ailleurs, une bonne augmentation du nombre de patients dans les services au cours des trois, quatre dernières semaines."
Déjà avant la pandémie, il manquait 6 millions d’infirmiers et infirmières dans les hôpitaux. Aujourd’hui, dans le monde entier, les intentions de partir dans l’année ont carrément doublé. Elles atteignent 20 à 30%. C’est le constat du Conseil international des infirmières qui représente 27 millions de ces soignants. "Vous savez, ils ont le sentiment qu’ils ont déjà couru deux, trois ou même quatre marathons à chaque vague de pandémie. Et avec la perspective de devoir repartir, beaucoup ne sont pas sûrs de pouvoir, alerte Howard Catton, CEO du Conseil. Je pense que nous sommes à un tournant, nous voyons des gens partir et si ces chiffres continuent la tendance que nous observons, cela pourrait être un exode de personnes."
Une profession vieillissante et pas assez attractive ?
Pour le Conseil International des Infirmières, il n’y a qu’une seule solution : réinvestir dans les travailleurs de la santé. En Flandre, beaucoup d’établissements de santé ont recours à des intérimaires. Mais les agences sont elles aussi débordées. "Depuis la deuxième vague corona de l’année dernière, la demande d’experts en soins et d’infirmiers a été remarquablement élevée, explique Leen Verwimp de l’agence Express Medical, à la VRT. Actuellement, le manque de personnel est tel que certains établissements de soins sont même en difficulté pour assurer un minimum de soins."
Selon Arnaud Bruyneel, infirmier dans une USI au CHU Tivoli et doctorant en santé publique, cette pénurie est liée à de multiples facteurs, à commencer par la durée de carrière des infirmiers, de 5 à 10 ans en moyenne. "Il y a un souci de fidélisation, à cause des conditions de travail qui entraînent un burn-out et l’envie de quitter la profession, explique-t-il. Les infirmiers n’arrivent plus à conjuguer vie personnelle et vie professionnelle."
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A cela s’ajoutent le fait que beaucoup d’infirmiers travaillent désormais à temps partiel, ce qui réduit le nombre d’équivalents temps plein, et le fait que les promotions d’étudiants sont plus petites et ne renouvellent pas le nombre d’infirmiers qui partent en retraite. "Si on avait des gens prêts à travailler à temps plein, on ne serait pas dans une situation telle que celle-ci", conclut Arnaud Bruyneel.
Même constat pour les agences d’intérim : "On arrive à plus ou moins trouver des gens, mais ça ne suffit pas car il y a une pénurie nationale, donc aussi un manque de personnel dans les agences d’intérim, note l’infirmier. Ce n’est pas une question de moyens : les hôpitaux ont de l’argent, mais il n’y a pas de personnel".
Arnaud Bruyneel pointe également le fait que beaucoup d’infirmiers se tournent vers les centres de vaccination : "les conditions de travail sont plus faciles, c’est plus attractif, les horaires sont plus malléables."
Sans être un phénomène très préoccupant, c’est selon lui "la goutte d’eau qui se rajoute" à une situation déjà compliquée pour les hôpitaux, qui doivent fermer des lits… et pas seulement dans les unités de soins intensifs.