Laurent est aujourd'hui un éleveur comblé. Son élevage a, pour lui, atteint une certaine perfection. Non seulement, il est bio, mais en plus ses poules, après leur vie de pondeuses, ne seront pas tuées.
"J'adore que l'être humain s'accorde une certaine intelligence pour rendre le bien-être animal au maximum de son potentiel. Pourquoi, nous, on va essayer de vivre le plus longtemps sur cette terre et je ne vois pas pourquoi, à quel titre, on ne pourrait pas offrir ça à nos poules." nous confie Laurent Vindevogel, éleveur de poules pondeuses à Amiens (France). Les trois mille pondeuses de Laurent, après onze mois de ponte, partiront toutes dans un refuge. Avant, le sort de ses protégées était bien différent. "C'était vraiment très embêtant pour moi, au bout de onze mois de production, de présence chez moi, qu'elles partent, surtout en abattoir et j'essayais du mieux que je pouvais, de les orienter vers des retraités qui voulaient cinq poules, six poules, dix poules."
Poulehouse, un refuge pour poules
Aujourd'hui, les trois mille poules de Laurent seront donc toutes sauvées. Elles seront rachetées par Poulehouse, le projet initié par un couple d'amis, Sébastien Neusch et Fabien Sauleman. Elles vivront dans leur refuge jusqu'à leur dernier caquètement. "Elles mourront de mort naturelle, absolument. Aujourd'hui elles sont envoyées à l'abattoir à l'âge de dix-huit mois parce que c'est l'âge où elles commencent à pondre un peu moins. Elles ne pondent plus tout à fait un œuf par jour et c'est le moment où on les remplace par des nouvelles. C'est un peu surprenant comme démarche. Et en plus, on n'en fait pas grand chose derrière : des farines animales, des croquettes ou elles sont congelées et envoyées en Afrique, aussi." nous explique Sébastien Sauleman. Les œufs issus des poules sauvées de l'abattoir sont vendus un euro pièce. C'est le double du prix d'un œuf bio. "Pour ce prix-là, il faut intégrer le fait qu'en fin de vie, pendant plusieurs années peut-être, elles vont pondre extrêmement peu alors qu'elles vont continuer à se nourrir, à occuper de l'espace et que tout ça, c'est des coûts assez importants et donc, on réintroduit ces coûts dans le prix de l'œuf et finalement, c'est le consommateur qui finance l'ensemble de la vie de la poule." justifie Sébastien Sauleman.
Des œufs disponibles en Belgique aussi
On retrouve ces œufs dans certains magasins bio en Belgique. Pour le responsable des achats des enseignes Sequoia, Laurent Verheylesonne, mettre ce produit dans ses rayons, c'était une évidence. "Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est un projet qui interpelle. Moi, dès que je l'ai vu, je me suis posé la question : "Tiens! Finalement, il est écrit en grand sur la boite "L'œuf qui ne tue pas les poules!" Je me suis tout de suite posé la question : "Ah bon, on tue des poules, même dans le bio?" Sincèrement, je ne le savais pas. Je me suis dit que si moi, j'étais interpellé, que si mes collègues étaient interpellés par ça, qu'il y avait certainement des consommateurs qui devaient l'ignorer et être interpellés aussi." nous explique Laurent Verheylesonne. La boite et le projet ne laissent en effet pas indifférent. Devant les rayons de ce nouveau type d’œuf, les avis des consommateurs divergent. Un client interpellé sur le projet nous donne son avis : "Je trouve ça sympa pour les poules, mais maintenant je me demande vraiment l'intérêt par rapport à la chaîne alimentaire générale, humaine en particulier parce que si on ne mange pas ces poules-là, on va en manger d'autres. Et donc, je trouverais ça logique de manger les poules qui ne pondent plus, plutôt que d'élever des animaux exprès pour les manger." Une autre cliente donne un autre avis : "Moi je trouve, qu'au niveau du respect animal, c'est fantastique!"
Des œufs dans l'air du temps
Malgré un prix élevé, la vente de ces œufs est en pleine croissance. Il faut dire que l'initiative Poulehouse s'inscrit pleinement dans l'air du temps, comme nous l'explique l'un de ses fondateurs, Fabien Sauleman : "Le sujet de la sensibilité à la cause animal est un sujet qui monte, qui devient même parfois un sujet politique. Le sujet du consommacteur aussi, le consommateur qui par sa consommation peut faire changer les choses, c'est aussi un sujet qui monte et nous, on est au croisement de ces deux tendances et je crois qu'on a des personnes qui vont devenir très fidèles, et qui nous déclarent d'ailleurs qui sont très fidèles et consomment uniquement nos œufs par ce qu'ils veulent que ça soit fait de cette façon-là." Le succès de ce projet Poulehouse dépasse même les attentes de ses créateurs. En quelques mois à peine, plus de 250 000 œufs Poulehouse ont été vendus et plus de 200 points de ventes ont déjà rejoint le mouvement.