Dans ce contexte, des employé·es nous rapportent également des cas de harcèlement sexuel. Lise acquiesce : "Jamais envers moi, mais oui, j’ai assisté à du harcèlement sexuel, notamment une collègue invitée à dîner. Et il était clair qu’il ne s’agissait pas que de manger…" Quant à lui, un fonctionnaire du SPRB questionne : "Le harcèlement est généralisé et tout le monde est au courant, dont la direction et les syndicats. Tout le monde se protège en haut lieu. Il y a une vraie omerta. Les syndicats et le bien-être au travail dépendent de la direction, comment leur assurer une réelle indépendance ?".
Je me suis sentie, moi, coupable de lui avoir dit non, de m’être mise toute seule dans cette situation. Ça a cassé mes ambitions professionnelles
Laura* travaille au sein de cette administration bruxelloise. Elle témoigne de harcèlement venant du même homme en situation de pouvoir, aujourd’hui à la retraite. "Je travaillais déjà au Service public bruxellois depuis des années, donc je connaissais sa réputation, je ne m’en approchais pas. Je pensais qu’il ne s’en prenait qu’aux petites jeunes, et que je n’aurais rien à craindre. Je restais toujours en bas de l’organigramme par rapport à lui. Puis j’ai avancé dans ma carrière, j’ai monté les échelons et j’ai dû le fréquenter au travail. On m’avait bien dit de faire attention", se souvient-elle.
"J’ai accepté les missions, parce que je voulais être bien vue et appréciée. Parfois, je lui posais des questions professionnelles, sur des dossiers, dans un contexte de travail. Il a fini par en déduire qu’il avait une opportunité avec moi. Il m’invitait au restaurant et les conversations dans lesquelles il m’entraînait ont commencé à avoir un caractère malsain, sexuel. Je ne savais pas comment y mettre un terme car il s’agissait de mon supérieur", poursuit-elle. "Je ne voulais pas le vexer, j’ai fini par lui dire que j’avais un mari et que j’étais fidèle. Il m’a répondu : 'ok mais si tu as une jolie copine, tu peux me la présenter !' J’ai cru que cela s’arrêterait là".
Parce qu’elle a dit non, Laura explique que le harcèlement moral s’est accentué, jusqu’à de la violence physique. "On m’a dit que j’avais une certaine 'réputation'. J’ai reçu des remarques et des allusions sur le fait que je m’étais mal comportée. Mais je n’avais rien fait, c’est lui qui se comportait mal ! Lors d’une réunion, il m’a poussée et je suis tombée par terre devant tout le monde. Je n’ai pas osé faire un esclandre. C’est son ego, il n’a pas eu le dessus avec moi. Il n’a pas apprécié. Il s’agissait clairement d’abus de pouvoir, avec un phénomène d’emprise, des menaces et de la culpabilisation", analyse aujourd’hui Laura. "Je me suis sentie, moi, coupable de lui avoir dit non, de m’être mise toute seule dans cette situation. Ça a cassé mes ambitions professionnelles."
"La hiérarchie et ce système très pyramidal sont un terrain favorable, car tout le monde se protège pour continuer à monter les échelons ", observe Laura. A-t-elle porté plainte ? Laura rigole doucement. "Bien sûr que non, c’est comme porter plainte pour viol. Cela n’aurait mené à rien et on m’aurait dit que c’était de ma faute", soutient-elle, résignée. Laura s’estime chanceuse car cela n’a pas été plus loin.