Energie

Des centrales nucléaires à l’arrêt en France : un risque de pénurie d’électricité en Belgique ?

La "boule" de la centrale nucléaire de Chinon en France. Le réacteur de la "boule" est mis à l’arrêt en 1973 et EDF décide de la reconvertir en musée.

© AFP or licensors

Le gestionnaire du réseau d’électricité en France prévoit des coupures cet hiver si la consommation ne baisse pas. La cause : presque la moitié des centrales nucléaires sont à l’arrêt et la production d’électricité devrait être plus basse que prévu selon la multinationale EDF. Cette situation pourrait avoir des répercussions sur le coût de la production électrique en Belgique. Des pénuries ne sont pas exclues.

Une production électrique moindre à l’avenir

L’entreprise EDF prévoit une production d’électricité en France moins importante qu’espérée dans les mois à venir. En cause, l’arrêt prolongé de quatre centrales nucléaires ainsi que les mouvements de grève des travailleurs EDF.

Actuellement, 26 réacteurs nucléaires sont à l’arrêt sur les 56 existantes, soit un peu moins de la moitié. Résultat, la ministre française de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a demandé à EDF de "tout mettre en œuvre pour dégager de nouvelles marges de manœuvre", et notamment d’augmenter "de manière anticipée la puissance des concessions hydroélectriques" mais aussi "la maximisation de la production renouvelable d’origine éolienne".

Plus de productions hydroélectriques et éoliennes donc. Pour cela, il est possible de débrider les installations, autrement dit les faire tourner davantage, assure le gouvernement français. Ce bridage était paramétré à l’avance pour limiter la pollution sonore des éoliennes par exemple.

Pour Patrick Hendrick, professeur de polytechnique à l’ULB, la mesure ne va pas compenser le manque de production nucléaire : "L’éolien est complètement dépendant de la météo, c’est imprévisible. La production hydroélectrique représentait 12% de l’électricité produite en France en 2021. Débrider les barrages ne va pas suffire à compenser le manque d’énergie venant du nucléaire."

Le prix de l’électricité pourrait augmenter en Belgique

Si la France augmente ses importations, notamment venant de Belgique, le prix de l’électricité va augmenter pour nous aussi. C’est ce qu’analyse Damien Ernst, professeur à l’université de Liège et spécialiste en énergie : "C’est la loi de l’offre et de la demande." En achetant de l’électricité produite en Belgique, la France augmente la demande, et donc l’offre se tend. Les prix, automatiquement, augmentent.

"En produisant avec nos vieilles centrales, le coût en euros par mégawattheure est plus élevé, car la production coûte plus cher", détaille Damien Ernst. Car le marché de l’énergie est européen.

Sur le marché Epex Spot par exemple, il est possible d’acheter quotidiennement des blocs d’électricité. Ce réseau permet d’acheter des blocs dans différents pays, en fonction du prix et de la production. Sauf que notre production d’électricité, pour en profiter, il faut aussi l’acheter sur ce même marché. Donc si la France ou d’autres viennent acheter de l’électricité belge parce qu’elle est moins chère, cela va faire augmenter les prix pour nous aussi quand la Belgique voudra en acheter.

Y a-t-il un risque de pénurie ?

"Oui c’est tout à fait possible", selon Damien Ernst. Si la production stagne en France, et que la demande augmente, la France va chercher à augmenter ses importations. Si la demande des Belges augmente au même moment, on pourrait se retrouver avec un manque d’électricité, et donc une pénurie.

Patrick Hendrick est plus mesuré sur le risque de pénurie et il précise qu’il faut des conditions vraiment défavorables : "Une grande vague de froid sur toute l’Europe début janvier par exemple. Les journées sont courtes, le besoin de se chauffer est grand. Plusieurs pays augmenteront fortement leur demande. L’offre n’est pas illimitée et pourrait ne pas suffire." Le gouvernement pourrait également bloquer la distribution d’électricité. Mais ce n’est pas la philosophie d’un marché libéralisé et il faut pouvoir l’anticiper.

La solution ? Réduire la consommation

"Les Français doivent serrer les dents", admet Damien Ernst. "Les alternatives sont limitées. L’idéal serait de baisser la consommation." Et c’est ce qu’il se passe. Selon France Info, la consommation d’électricité a baissé de 5,9% en France pendant le mois d’octobre. C’est aussi la stratégie du gouvernement français, exhorter les Français à chasser le gaspillage énergétique. Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français (RTE) prévoit des mesures de sauvegarde :

  • Inciter les Français à réduire leur consommation durant les pics sur le réseau grâce à une application appelée écowatt qui signale quand le réseau est très tendu.
  • Une baisse de tension de 5% sur le réseau. Par la force des choses, avec moins de tension, la consommation baisse.
  • En ultime recours, le gestionnaire du réseau prévoit des mesures de délestage. Des coupures zonées et organisées à l’avance par les autorités.

Le gestionnaire RTE annonce tout de même que des coupures par régionalisées en France semblent inévitables à moins d’une baisse de la consommation ou de conditions météo avantageuses.

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