On n'est pas des pigeons

Des billets d’avion à 10 euros en temps de crise énergétique : comment est-ce encore possible ?

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Comment se fait-il que l’on trouve encore des billets d’avion à 10 euros dans un contexte de crise énergétique ? L’aviation low-cost serait-elle épargnée par la crise ?

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La facture énergie pèse lourd pour les compagnies aériennes, et se retrouve logiquement répercutée sur le prix des billets. Pourtant, l’envolée annoncée il y a quelques mois n’a pas encore vraiment eu lieu. 

Tui nous confirme bien une augmentation de 10% environ pour l’ensemble des produits Tui et Tui fly. Cette augmentation est liée à l’inflation et à la crise énergétique. Mais sans chercher longtemps, il est encore possible de trouver des billets d’avion à tout petit prix, 10 ou 15 euros, pour s’envoler vers l’Espagne, la Roumanie, ou encore l’Irlande. Bien sûr, ces tarifs ne tiennent pas compte des divers suppléments, pour les bagages, par exemple, et le retour sera peut-être plus cher.

Mais des tarifs si bas, alors que le carburant a flambé, que la facture énergie des ménages devient parfois impayable… Comment l’expliquer ?

Des prix négociés longtemps à l’avance

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"Les compagnies aériennes profitent d’un système comparable à celui que les consommateurs privés connaissent pour les contrats d’électricité, par exemple, en signant un tarif fixe pour une durée relativement longue", nous explique Bart Jourquin, Professeur d’économie des transports à l’UCLouvain. "C’est le cas par exemple pour Ryanair qui a négocié des prix fixes jusqu’en 2023."

Véritable stratégie pour les compagnies, les contrats sont négociés bien en amont pour éviter la catastrophe lors d’une flambée soudaine. Les prix sont assurés, ou couverts, totalement ou partiellement, c’est selon. Ryanair nous confirme : "Ryanair est très fortement couverte – 80% pour le S1 FY23 et 70% pour le S2 FY23 – et à des prix bien inférieurs aux prix spot actuels, ce qui nous distingue de nos concurrents et nous permet de réaliser des économies importantes pour tous nos clients."

A cette couverture s’ajoute un autre élément : "En Europe, la Belgique fait figure d’exception, les salaires ne sont pas forcément indexés de manière automatique. La masse salariale reste donc pratiquement identique, le coût énergétique également, c’est pour cette raison qu’elles (N.D.L.R les compagnies) peuvent continuer à proposer des tarifs équivalents à ceux qu’elles proposaient il y a quelques mois", analyse Bart Jourquin.

Ces paris sur l’avenir peuvent aussi se retourner contre les compagnies quand survient une crise sanitaire imprévisible, comme ce fut le cas avec le Covid, mais pour l’instant, c’est ce qui leur permet de sauver la mise.

Pas de taxe sur le kérosène

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D'autres éléments participent à ces prix bas. Contrairement aux autres modes de transport, l’aviation a l’énorme avantage de ne pas payer de taxes sur le carburant. En effet, le kérosène n’est pas taxé sur les vols internationaux.

Cette exemption adoptée en 1944 lors de la Convention internationale de Chicago avait pour but de développer l’aviation civile après-guerre.

Il y a une sorte de distorsion de concurrence entre le prix du carburant payé par l’aviation et celui payé par le transport routier ou ferroviaire.

Ce modèle, souvent remis en cause, revient régulièrement sur le tapis de la Commission européenne depuis plus de 20 ans, mais existe toujours.

Le modèle low cost

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La vente d’un billet d’avion à quelques euros n’est pas rentable pour les compagnies low cost, qui misent sur les extras, que l’on considérait avant comme des services à bord (repas, boissons), et de nombreux suppléments, pour emporter un deuxième bagage, choisir son siège ou même un accès prioritaire à bord. Les compagnies low cost deviennent aussi agences de voyages en vous proposant de réserver une voiture ou un parking, généralisent les ventes par internet, réduisant les coûts de personnel. Un personnel qui ne bénéficie pas toujours de contrats nationaux et manifeste régulièrement dans l’espoir d’obtenir de meilleures conditions de travail.

Aussi, le choix d’aéroports secondaires permet de pratiquer des tarifs inférieurs à ceux d'une concurrence qui ne vole qu'entre grands aéroports principaux. S’il n’est pas question de subsides directs, les coûts y sont moindres. "Souvent, les aéroports secondaires sont vus comme des opportunités d’emploi par les régions. Elles font un effort, en permettant à ces aéroports de demander des coûts très faibles aux compagnies aériennes qui les choisissent. Atterrir à Charleroi coûte beaucoup moins cher que d’atterrir à Charles de Gaulle, par exemple", explique Bart Jourquin.

Bientôt la fin d’un modèle ?

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Michael O’Leary, le patron de la compagnie Ryanair, l’annonçait lui-même en août dernier, une hausse du prix moyen des billets est à prévoir. "Je pense qu’on ne va pas voir ces tarifs pendant un certain nombre d’années" expliquait-il au micro de la BBC.

Doucement, il est probable que l’on se rapproche d’un "prix vérité".

Avec cette conscientisation qui se met en place, ce type de voyages très bon marché, avec un prix en dessous du coût réel de transport, sera amené à disparaître progressivement.

Depuis le début des années 90, le low cost a permis de voyager pour presque rien en Europe et a participé au développement d’un certain tourisme. Ce modèle, qui dépasse la seule question du transport, est doucement remis en question, avec plus de virulence dans le Nord de l’Europe.

"Avec cette conscientisation qui se met en place, ce type de voyages très bon marché, avec un prix en dessous du coût réel de transport, sera amené à disparaître progressivement", conclut Bart Jourquin.

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