Des bancs pour se souvenir des personnes défuntes mais pas que…

Un banc pour se souvenir d’un.e défunt.e ou d’un événement heureux, un banc financé par des privés mais au bénéfice de la collectivité.

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La démarche est fréquente dans d’autres pays, notamment aux Etats-Unis : des bancs sont installés dans des espaces publics en mémoire de personnes décédées. Une pratique qui pourrait bien s’implanter chez nous. Des initiatives existent déjà par-ci par-là. Dans le Namurois, c’est un médecin, Karl Richir, qui se lance dans cette belle aventure qui mêle souvenir, solidarité et nature. 

Une tradition anglo-saxonne qui n’a que des avantages

Karl Richir déborde d'énergie mais il n’a pas été épargné par la vie. Médecin à Faulx-les-Tombes, il a perdu trois proches récemment. Cela explique l’attachement que le sexagénaire porte au projet de bancs du souvenir. " J’ai découvert ce concept lors d’un voyage en Californie, il y a dix ans. Les "Memory Benches" sont des bancs installés dans des lieux publics mais aux frais de particuliers qui souhaitent rendre hommage à des personnes défuntes. J’ai trouvé la démarche magnifique car elle met un souvenir personnel au service d’une collectivité. Les décès que j'ai connus m'ont poussé à installer un tel banc dans mon jardin mais je voudrais étendre le projet et le populariser en Belgique. J’ai donc lancé une petite structure intitulée bancs-souvenirs.be pour fabriquer et diffuser ces bancs 100% wallons et il faut bien dire que l’accueil est encourageant, notamment des communes qui sont enthousiastes à l’idée d’enrichir leur mobilier public sans bourse délier. "

Un banc artisanal, en mélèze issu de Wallonie mais doté d’un QR code, on est en 2021 !

Concrètement, l’initiative vise en priorité toute personne ou famille qui entend perpétuer la mémoire d’un.e défunt.e mais Karl Richir ne veut pas limiter ses bancs à un rite mortuaire " Cela peut aussi être un souvenir heureux lié à l’endroit où sera installé le banc comme un premier baiser, une demande en mariage ou tout simplement l’amour de la nature. Le principe est simple, les gens commandent un banc et le financent et nous nous occupons de tout, de la fabrication à l’installation et même l’entretien.

Je travaille avec un artisan ébéniste de Faulx-les-Tombes qui a m’a déjà fabriqué une quinzaine de bancs en mélèze, c’est du bois 100% wallon et naturel, sans traitement et qui se patine donc avec le temps, histoire de se fondre dans le paysage. Il est cimenté dans le sol pour assurer sa stabilité et il comporte un QR code qui renvoie vers une page virtuelle liée au banc. Les gens ont carte blanche pour y proposer des photos, des vidéos, des textes, de la musique, des chansons ou autre, du moment que c’est respectueux et non-commercial. Cette page peut être renouvelée deux fois par an.

A la demande, on peut aussi intégrer une plaquette en métal ou en cuivre avec le nom de la personne à qui le banc est dédié. Nous nous engageons également à entretenir les abords du banc deux fois par an. Le prix va de 600 euros pour le banc tel quel à 850 euros s’il faut l’installer. C’est une certaine somme mais elle pourrait par exemple être financée en remplaçant les couronnes mortuaires lors des funérailles. Il vaut mieux un banc qui dure toute une vie que des fleurs qui ne tiennent que quelques jours, non ? "

Les communes ont tout à gagner, les bancs sont gratuits et servent à tout le monde

Pour que ces bancs de la mémoire trouvent une place dans l’espace public, il faut des donateurs bien sûr, mais il faut aussi que ce soit autorisé par les communes. Pour l’instant, Karl Richir a reçu un accueil plutôt bienveillant. " J’ai contacté une petite dizaine de communes dans le Namurois et je dois avouer que l’accueil est attentif. Les seules réticences que j’ai perçues concernaient le coût mais quand je leur explique que c’est gratuit pour elles, le ton devient carrément positif.

A la ville de Namur, j’ai même senti qu’ils voulaient en faire un complément pour l’incinération. C’est vrai qu’à la Toussaint, pas mal de familles se trouvent un peu perdues quand elles veulent rendre hommage à leurs proches qui ont été incinérés, les petites pelouses de dispersion des cendres sont impersonnelles et savoir qu’on a un banc personnalisé où se recueillir serait bienvenu.

Dans d’autres communes, on détermine à l’avance des zones où installer les futurs bancs, histoire de gagner du temps et d’éviter des délais administratifs trop longs lorsqu’une demande survient. Et puis, les communes sont parfois elles-mêmes demandeuses. Dans l'une d'elles, il est question d’ériger une stèle pour remercier à un donateur qui a légué un verger à la commune mais qui sait, ce sera peut-être un banc avec un QR code qui rend hommage au mécène."

Des bancs, des poteaux, des forêts, la concurrence des cimetières est rude

Les bancs de Karl ne sont pas les premiers en Belgique. Il en existe ailleurs, par exemple à Uccle où on en croise déjà plusieurs au parc de Wolvendael. Il en coûte 500 euros pour 10 ans mais il faut être domicilié dans la commune pour pouvoir en solliciter un.

Il existe aussi d’autres manières de matérialiser ses pensées vers ses chers disparus, par exemple les arbres. Dans la forêt de Soleilmont, à Fleurus, les familles peuvent disperser les cendres de leurs proches en pleine nature, au pied de hêtres centenaires ou de modestes bouleaux. La Fondation " Les Arbres du Souvenir " a dédié ces 11 hectares de forêt au souvenir en 2015. Pas question de stèles ni de monuments, tout est naturel et doit le rester. Des chemins balisés mènent à des arbres anonymes, partagés ou familiaux, selon le souhait des familles qui peuvent aussi déposer une plaquette personnalisée sur un mémorial dressé au cœur de la forêt, dans une clairière collective. Plus loin, des rondins ont été disposés en cercle fin d’accueillir des cérémonies d’adieu.

Ailleurs, ce sont des poteaux de la mémoire qui sont chargés de véhiculer le souvenir d’un proche. Cela confirme l’intuition de Karl que le public ne se satisfait plus des cimetières qui sont d’ailleurs de plus en plus délaissés, notamment à cause de l’essor des crémations. Mais celui qui a été médecin généraliste pendant 15 ans avant de devenir expert médical veut aller plus loin que l’hommage aux défunts. " Le but de ces bancs n’est pas que le souvenir, je rêve aussi qu’ils aient une mission éducative. On pourrait par exemple en installer le long de chemins pédestres avec des indications sur la nature, ou sur des parcours touristiques avec des QR renvoyant vers des infos historiques ou géologiques. Si les communes n’ont pas les moyens, ce que je peux comprendre, surtout avec la crise du covid, le financement pourrait être assuré par des citoyens mécènes. Je trouve même que ceux qui financent un banc devraient pouvoir le déduire fiscalement puisque cela profite à la collectivité ! " Le projet de Karl ne s’adresse donc pas qu’aux citoyens et aux communes, il comporte aussi un chapitre adressé au ministre des finances. Le message est transmis, la réponse est attendue sur le site bancs-souvenirs.be

 

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