Une nouvelle exponentielle ?
Geert Molenberghs, biostatisticien à la KULeuven, prend l’image d’un train qui démarre comme un diesel mais accélère sa course pour devenir un TGV : "Ça démarre assez lentement, le temps pour infecter les autres, la période entre deux infections est assez longue… Et au bout d’un certain temps, le TGV est lancé".
Dès qu’une épidémie commence, on a un début d’exponentielle. Mais cette croissance exponentielle ne va pas rester indéfiniment.
A chaque vague épidémique, on entre dans une dynamique où il y a davantage de personnes contaminées et ce nombre continue à se démultiplier jusqu’à un certain point. Cette courbe, cependant, ne peut pas augmenter à l’infini : elle croît, jusqu’au moment où la quantité de personnes susceptibles d’être infectées devient trop petite.
►►► Moins de contaminations au Covid-19 parmi les vaccinés, mais une protection qui diminue avec l’âge
Lors des premières vagues, ce point d’inflexion, où le nombre de personnes allait devenir trop peu important pour que l’épidémie continue, était beaucoup trop éloigné : les hôpitaux risquaient d’être saturés avant qu’on atteigne ce point-là. Actuellement, comme on dispose de la vaccination qui couvre aujourd’hui 75% de la population belge – et même si elle n’est pas efficace à 100% – et qu’il existe un nombre (dont il est difficile de trouver l’estimation récente) de personnes immunisées naturellement parce qu’elles ont contracté le virus récemment, on devrait atteindre ce point d’inflexion avant qu’on ait de gros problèmes au niveau hospitalier. Même si on est dans un phénomène qui ressemble à une exponentielle, il ne devrait pas durer très longtemps cette fois-ci.
Donc, mathématiquement parlant, oui, nous avons affaire à une exponentielle, mais elle peut rapidement changer et l’on peut vite repartir dans une stratégie de descente, du moins, plus rapidement que lors des vagues précédentes, et c’est important. Geert Molenberghs estime qu’on ne connaîtra plus ce qu’on a vécu l’an passé et en avril en termes d’occupation des soins intensifs : "On n’arrivera plus à 1000 patients, mais peut-on arriver à 500, 600, c’est possible", dit-il.
Quels facteurs nouveaux ?
La question à se poser aujourd’hui est la suivante : y a-t-il des éléments qui vont modifier cette exponentielle ?
Élément favorable : d’ici deux semaines, arrivent les vacances scolaires de Toussaint, qui vont déjà permettre de diminuer le nombre de contaminations. Pour Nicolas Franco, on peut déjà s’attendre d’ici deux, trois semaines à ce qu’on sorte de cette trajectoire.
En attendant, on risque de voir cette augmentation qui continue, car si elle est déjà marquante au niveau des cas, cela va suivre encore plus avec un léger décalage au niveau des hospitalisations, et on ne pourra pas les éviter pour les semaines qui suivent. Ça, c’est pour les événements modificateurs à venir : il faut y ajouter les comportements (masque, distanciation) qui peuvent se renforcer ou non, et d’éventuelles mesures complémentaires.
Le variant delta comme facteur aggravé
Un élément de contexte : le facteur démultiplicateur a changé. Si avec la souche d’origine, dominante lors de la première vague, chaque personne infectée en contaminait en moyenne 3,4 en l’absence de mesure de protection spécifique – le Ro, le taux de reproduction de base du virus, était égal à 3 -, avec le variant delta, on considère qu’elle en contamine en moyenne au moins 6, dans le même contexte où l’on n’aurait pris aucune mesure de protection.
Mais entretemps, nous avons la vaccination comme facteur de protection largement efficace contre le risque de maladie grave et de décès. Par contre, elle semble insuffisante pour freiner la transmission, d’où la progression spectaculaire du nombre de cas.
La vaccination, ralentisseur de train
Les contaminations progressent donc vite, mais les hôpitaux ne sont pas sous pression, en particulier les soins intensifs où ce 19 octobre, on recensait 230 patients Covid dans notre pays, ce qui n’est pas comparable aux 947 patients, lors du pic du 13 avril dernier.
La vaccination (qui n’est cependant pas homogène selon les âges et les régions) est un facteur protecteur contre les maladies graves et les décès, même si la proportion de 65 ans et plus vaccinés dont l’immunité s’échappe et qui sont tout de même hospitalisée est à surveiller.
La question de la 3e dose recommandée est plus que jamais d’actualité. Pour ralentir les transmissions, par contre, la vaccination ne paraît pas suffisamment puissante, avec un TGV nommé delta.