La victoire de Remco Evenepoel sur la Vuelta a-t-elle marqué un tournant dans l’histoire de l’équipe Quick-Step ? L’équipe de Patrick Lefevere a-t-elle amorcé une transition pour passer d’équipe de Classiques à équipe de Grands Tours ? Cela semble bien être le cas au terme d’une saison 2022 marquée par des Classiques flandriennes décevantes et l’éclosion définitive d’un leader de Grands Tours.
Un printemps inhabituellement décevant pour Quick-Step
L’équipe Quick-Step a toujours fait des Classiques printanières son terrain de chasse favori. Porté par un collectif homogène et capable de s’appuyer sur plusieurs leaders, le Wolfpack s’était habitué à dégoûter la concurrence sur les courses d’un jour, les flandriennes notamment.
Une force collective que – pour plusieurs raisons (maladie, chutes, méforme, effectif vieillissant) - les hommes de Patrick Lefevere ne sont plus parvenus à présenter cette saison.
"Il y a un goût de trop peu", résumait Gérard Bulens en avril dernier après une campagne de Classiques qui n’avait jusque-là livré qu’une seule victoire, celle de Fabio Jakobsen à Kuurne-Bruxelles-Kuurne au mois de février.
Une baisse de régime que notre consultant expliquait déjà par un constat prémonitoire. "Par rapport aux dernières années, Patrick Lefevere a misé davantage sur un autre type d’épreuves", analysait-il, suggérant déjà un premier pas entrepris dans la direction des Grands Tours par l’équipe Quick-Step.
Un premier léger changement de cap qui n’a pas empêché le Wolfpack d’empocher un Monument cette saison...avec le succès de Remco Evenepoel sur Liège-Bastogne-Liège.
Un collectif pas encore au point autour d’Evenepoel
Si le champion de Schepdaal peut briller sur les courses d’un jour comme il l’a montré sur la Doyenne et à la Clasica San Sebastian, c’est bien sur les Grands Tours que se situent ses principaux objectifs.
A 22 ans, il a offert un premier sacre à la Belgique sur un Grand Tour depuis 44 ans. Et ce sans une équipe taillée pour ce genre d’objectifs comme l’avouait Patrick Lefevere lui-même en fin de Vuelta.
"On rigolait un peu de Quick-Step. C’est vrai qu’on n’est pas une équipe de Grands Tours, mais nous sommes là. Une équipe est toujours à la hauteur de son leader", affirmait-il avant d’abonder dans le même sens dans une autre interview à notre micro. "On a toujours dit que la Quick-Step était la plus grande équipe des classiques. Mais Remco a mis tout le monde d’accord", répétait-il à la veille de l’arrivée à Madrid.
S’il veut gagner le Tour un jour, Evenepoel a besoin d’une équipe à son niveau (Alberto Contador)
Désormais rassuré sur ses capacités d’exceller sur une course de trois semaines, Evenepoel pourra s’attaquer dans les prochaines années aux deux autres Grands Tours du calendrier : le Giro d’Italia et le Tour de France.
"Je suis sûr que Remco a l’ambition de gagner un jour le Tour de France", nous expliquait à quelques jours de la fin de la Vuelta Alberto Contador.
Le septuple vainqueur en Grands Tours (+ 2 retirés) est toutefois convaincu qu’Evenepoel a besoin d’un collectif plus fort pour s’attaquer à cet objectif.
"Gagner la Vuelta est important pour lancer un message à son équipe. Lui faire comprendre qu’il aura besoin d’une équipe à son niveau dans le futur. Une équipe au niveau des formations Jumbo-Visma, UAE et Ineos."
Des solutions pour soutenir Evenepoel ? Pas avant 2024
Bâtir un collectif autour d’Evenepoel, Patrick Lefevere semble en avoir la ferme intention au vu des résultats. Il doit cependant se heurter à la réalité du terrain.
"Je veux continuer à renforcer l’équipe avec cette volonté d’épauler un peu plus Remco", nous indiquait le patron de l’équipe Quick-Step-Alpha Vinyl la semaine dernière.
"Malheureusement, ici, je n’avais que cinq contrats qui se libéraient et je n’avais pas énormément de choix. Mais je suis certain que d’autres coureurs de l’équipe peuvent aussi l’assister en montagne. Mais c’est clair que pour 2024 et 2025, on va devoir trouver des renforts. Contrairement à d’autres équipes qui n’ont pas de budget, qui ne voient jamais la fin de la caisse et peuvent dépenser sans compter, moi je dois compter mes sous", reconnaissait-il.
Quick-Step n’a officialisé que trois transferts en vue de la saison 2023. Tim Merlier pour les sprints, Casper Pedersen pour les courses d’un jour et Jan Hirt pour la montagne. Le Tchèque, 6e du dernier Giro, sera vraisemblablement le seul renfort pour Evenepoel l’an prochain. Il viendra s’ajouter à Ilan Van Wilder, Fausto Masnada, Mauri Vansevenant, Pieter Serry, Mattia Cattaneo et Louis Vervaeke qui sont actuellement les meilleurs grimpeurs dont dispose le Wolfpack.
Des chiffres qui confirment cette tendance
Qu’on mise sur les Classiques ou sur les Grands Tours, chez Quick-Step le mot d’ordre reste le même : victoire.
Portée par les locomotives Evenepoel (14 victoires) et Jakobsen (12 victoires), la formation belge a accumulé 42 succès. A égalité de bouquets avec UAE et Jumbo-Visma, le Wolfpack est toujours en course pour terminer la saison en tant qu’équipe plus victorieuse de l’année, comme c’est le cas tous les ans depuis 2013 (!)
On signalera tout de même que Quick-Step gagne moins que les autres années (NDLR : et vu les moissons impressionnantes des dernières saisons, personne ne s’en étonne) et que l’incidence des victoires dans les courses d’un jour est bien moins importante, comme le montre le tableau ci-dessous.
2018 | 2019 | 2021 | 2022 | |
Nombre de victoires * | 66 | 58 | 54 | 42 |
Nombre de victoires courses d’un jour * | 13 (19%) | 14 (24%) | 10 (18%) | 5 (11%) |
* nombre de victoires par saison à la même période de l'année (au terme de la Vuelta)
** l'année 2020, tronquée par le Covid, n'est pas pris en compte ici.
Comme le suggèrent déjà ces premiers chiffres et les déclarations de Patrick Lefevere, une inversion de tendance se confirme au sein du Wolfpack. Un changement de paradigme à peine amorcé mais qui devra être approuvé par des résultats concrets dans les années qui arrivent.