C’est une question qui revient régulièrement dans les courriers envoyés par nos auditeurs, téléspectateurs, et utilisateurs du site rtbf.be/info. Pourquoi la RTBF diffuse-t-elle des dépêches d’agence sur son propre site Web ?
Il y a tout d’abord Jean-Pascal qui nous demande "Pourquoi la RTBF, service d’information, se contente le plus souvent de relayer les dépêches AFP Belga Reuters sans aucune validation d’un journaliste maison"? Plus récemment aussi, Michel nous a reproché d’avoir publié telle quelle une dépêche AFP concernant l’affaire "de Rugy" en France. Il s’agissait là d’une énième dépêche sur l’affaire dans le fil AFP, mais la RTBF l’a publiée seule, et sans mise en contexte : "Une info jetée en pâture", résume Michel. Léo, lui qui lit quotidiennement notre fil info et il assure qu’il peut maintenant reconnaître les dépêches rien que par le style : "langue blafarde, sujets peu informationnels, on ne comprend rien". Et puis il y a Elisa, pour qui la RTBF, de toute façon, ne fait que se "contenter de copier-coller ce que l’AFP écrit".
Alors la RTBF ne fait-elle pas son boulot ? Pourquoi publie-t-elle des dépêches d’agence, alors qu’elle emploie autant de journalistes que la rédaction Belga ? Et que ces dépêches se trouvent déjà partout sur les autres sites d’info ? Ces dépêches sont-elles d’ailleurs fiables ? C’est à ces questions que nous allons tenter de répondre ici.
"Impossible de s’en passer "
Une mise au point, avant de commencer : il est inexact d’affirmer, comme le fait Jean-pascal, qu’à la RTBF, on "se contente le plus souvent de relayer les dépêches" ou, comme le dit Elisa, on "ne fait que se contenter de copier-coller ce que l’AFP écrit". Car s’il est vrai que les dépêches, celles de l’agence belge Belga et celles de l’agence mondiale (d’origine française) AFP représentent une part non négligeable de la publication sur le site rtbf.be/info, la production propre reste plus importante.
Prenons ici l’exemple des dépêches de l’agence Belga. "C’est impossible de s’en passer", affirme d’emblée Thomas Mignon. Thomas est l’adjoint éditorial pour le site Info de la RTBF, c’est-à-dire qu’il épaule le rédacteur en chef du web. "Si l’on devait mobiliser nos journalistes pour appeler chaque jour à heure fixe le parquet, les pompiers, la police pour voir ce qu’il s’est passé dans la nuit, s’il y a des choses en cours, on ne ferait plus que ça. C’est le boulot des correspondants Belga. On leur laisse. Et puis rien que pour la Flandre, on n’a pas de rédaction locale côté néerlandophone. On peut envoyer un journaliste de Bruxelles quand il se passe un gros truc. Mais pas pour tout".
Et c’est vrai que dans les rédactions, on sait que l’agence Belga fournit un agenda bien précieux des événements politiques et judiciaires à venir. Il nous reste alors à épingler ce qui nous avait échappé et peut nous intéresser (conformément à notre ligne éditoriale). Puis à désigner un reporter pour s’y plonger.
La dépêche dans un premier temps…
C’est la fonction "d’alerte" de l’agence de presse. Et une alerte arrive parfois au moment où se produit l’événement : "Lorsqu’une breaking news tombe, explique Thomas, on poste la dépêche Belga de 3 lignes. Et en même temps, la rédaction se met en branle. La dépêche a une fonction d’alerte et on travaille dessus. Ensuite, on complète, on enrichit. On approfondit pour publier ensuite. Notre mission de service public c’est aussi donner l’info rapidement. Le "Belga" nous met en quelque sorte le pied à l’étrier". Des dépêches sont donc parfois publiées telles quelles, en attendant une information enrichie par un journaliste maison.
… ou pas !
Mais il arrive aussi qu’on publie un article sans pour autant en confier le sujet à un journaliste : "On ne va pas perdre une heure et réécrire juste pour le plaisir de réécrire. Cette info est là, elle est fiable, ça ne sert à rien de refaire le travail de quelqu’un qu’on a payé pour le faire". Car la RTBF est cliente de Belga, elle paie un abonnement pour avoir accès à ses dépêches (et images), et pour pouvoir les utiliser. Quand est-ce qu’on estime que poster la dépêche Belga suffit ? Quand est-ce qu’on met un journaliste sur le coup ? "C’est un choix éditorial, on évalue au cas par cas. Il y a des informations sur lesquelles on estime que c’est moins prioritaire de se différencier. Je pense d’abord aux infos service du type ramassage des poubelles, ou ce qui change au premier janvier. Ça peut être utile pour notre public, mais franchement on estime que l’info de dépêches suffit". Tout est donc une question de priorité, puisque les rédactions ne sont pas élastiques et que le flux d’informations s’est démultiplié ces dernières années.
"On prend l’info Belga pour argent comptant"
Dans ce que nous explique Thomas, il y a évidemment une dimension essentielle, celle de la fiabilité ("Cette info est fiable", nous dit-il). C’est d’ailleurs comme ça qu’elle est aussi perçue dans les autres médias de la RTBF. Sébastien Pierret, présentateur des journaux de 7 et 9 heures sur Vivacité et François Kirsch, à la tête du grand journal de 8 heures sur La Première, en témoignent. "Oui, quand on écrit un journal, on prend l’info Belga pour argent comptant, explique Sébastien. Bien sûr l’erreur est toujours possible. Mais honnêtement, pas plus qu’avec un collègue. Il arrive, quand on a plusieurs sources sur un même sujet, que ça ne concorde pas parfaitement au niveau de certains détails. Et quand ça commence à ne pas concorder avec ce que disent nos journalistes, alors on essaie de comprendre où peut se loger l’explication. On commence à faire la balance, une piste est de citer Belga. Mais franchement, a priori on fait confiance aux dépêches. On part du principe que c’est un journaliste qui a fait le même travail que nous, qui a les mêmes critères et les mêmes exigences".
En fait, Belga fonctionne un peu comme un correspondant : elle est là pour prendre en charge ce qu’on ne peut pas assurer ici, avec le même degré d’exigence. A la (grande) différence que ce correspondant travaille avec les autres médias aussi.
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