Elle est venue bien à l'avance, comme d'habitude, de peur de ne plus rien avoir. "Il y a tellement de gens qui viennent ici, vous savez". Mère de quatre enfants, elle est la seule à travailler dans le ménage. "mon compagnon n'a pas de boulot, moi je suis à mi-temps". De ses maigres revenus, il faut encore retirer une partie, tous les mois, "pour envoyer en Afrique, à mes deux aînés, qui sont au pays". Les plus jeunes ont 6 et 9 ans, grâce au dépannage alimentaire "ils ont de la charcuterie dans leurs tartines, et du lait le matin".
Un peu plus loin dans la file, il y a Alexia. Tête baissée, on sent bien qu'elle a un peu honte d'être ici. "C'est nouveau pour moi", admet cette maman de trois enfants. "Dans mon cas, on peut dire que la vie a basculé. Tout allait bien, j'ai toujours beaucoup travaillé. Puis j'ai tout perdu, victime de violences conjugales j'ai dû partir avec les enfants, tout quitter. Aller dans un foyer, puis retrouver un logement, et assumer tous les frais, seule, et sans travail".
Les premières fois, elle était "atrocement gênée". Puis ça passe. Elle vient avec sa fille, de 21 ans, pendant que les petits sont à l'école. "On entend parfois que ce sont des barakis, des clochards qui viennent ici", poursuit la jeune femme. "Je peux vous assurer que c'est faux. Il y a de tout. Des gens qui dégringolent, comme nous! Qui avaient une bonne situation, et doivent reprendre à zéro".
Dans cette famille, remplir le frigo est un challenge quotidien. "J'essaye de ne pas faire les courses avec les enfants, c'est trop difficile. Ils veulent des choses que je ne peux pas leur payer, ils pleurent, ils supplient..." D'autres mamans opinent du chef. "Ca oui, ça! C'est très dur... quand ton enfant veut quelque chose, pour être comme les autres, comme ses copains de classe, et que tu n'as pas l'argent pour lui offrir...Tu te sens nulle!"
Celle qui nous parle ne touche aucun revenu depuis décembre de l'année dernière. Un an sans revenu. Juste un accès à l'aide médicale urgente. Comment est-ce possible? "Je n'ai pas de papiers, tout simplement! Je suis réfugiée du Congo, j'ai d'abord habité aux Pays-Bas, puis je suis arrivée ici. On m'a donné des papiers provisoirement, puis l'autorisation a pris fin. Je me sens prise dans un cercle vicieux. Je cherche, je cherche, je cherche du travail, tous les jours. Je vais au forem, je me présente partout. Les employeurs veulent des papiers,ils n'osent pas m'engager. Et sans emploi, je ne peux pas avoir de papiers en règle... Je ne sais plus quoi faire!"
Ses enfants comprennent les difficultés, jusqu'à un certain point. "Ils me répètent sans cesse 'tu n'as qu'à trouver du travail', mais je ne fais que ça!" Pour vivre, cette famille compte sur les autres. Le dépannage, la famille. "Je reçois de l'argent du Congo, pour payer mon loyer. Ma sœur, qui habite dans ma rue, m'aide. Elle fait à manger pour tout le monde. Je me débrouille..."