Lauréat du prix Nobel de la paix 2018 avec Nadia Murad, Denis Mukwege est né le 1er mars 1955 à Bukavu, dans le sud-Kivu, en République démocratique du Congo. Il fait partie d’une famille de pasteurs. Il est lui-même pasteur chrétien évangélique de courant pentecôtiste dans une église de Bukavu.
Formé en médecine au Burundi, il a étudié la gynécologie à Angers grâce à une bourse. Il a pratiqué dans l'Hexagone quelques années. Pourtant bien rémunéré, il choisit de rentrer dans son pays natal. "En France, je n’avais jamais vu une femme mourir en donnant la vie. Je me suis dit que chez moi, où ça arrivait tous les jours, je pourrais être utile en offrant de meilleures conditions d’accouchement". En 1999, il monte donc sa clinique à Panzi et depuis soigne les femmes victimes de viols et de mutilations.
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"Mes premières patientes furent des femmes dont tout l’appareil génital avait été détruit parce qu’on leur avait tiré dedans à l’arme à feu. Jamais, jamais je n’aurais imaginé ça." Son quotidien ferait en effet renoncer bien des praticiens. Vagins lacérés au couteau, brûlés, emplis de bris de verre, fillettes violées avant même l’âge de marcher, actes de cruauté commis devant les enfants, les maris, les frères. Des femmes victimes d’atrocités et bien souvent contaminées par le virus du Sida. "Elles risquent de répandre le virus et de le transmettre à leurs enfants sans même le savoir", regrette Denis Mukewge.
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"Le viol comme stratégie de guerre"
En 19 ans, plus de 50.000 patientes ont été soignées dans sa clinique. Le docteur décrit le viol dans sa région comme une "véritable stratégie de guerre", une "entreprise de destruction de la structure sociale. C’est une arme de destruction massive. Non seulement cela détruit la femme qui en est victime, mais aussi sa progéniture. Soit parce qu’elle ne pourra plus avoir d’enfants, soit parce qu’elle rejettera celui qu’elle porte, issu du viol. Ces enfants-là, innocents, sont traumatisés avant même d’être nés. Une fois nés, ils risquent de tomber à leur tour dans le cycle de la violence. Ils sont une bombe à retardement."
Depuis des années, Denis Mukwege parcourt le monde pour dénoncer la barbarie faite aux femmes de son pays. Récemment il déclarait : "Il y a eu des progrès. Le viol, qui était considéré comme un dommage collatéral, est aujourd’hui reconnu comme un crime de guerre."
Malgré ce combat largement félicité et encouragé, le docteur ne fait pas l’unanimité. Harcelé, menacé, il a dû s’exiler en Belgique en octobre 2012 avec ses enfants avant de revenir sur le terrain, dans sa clinique. "Se décourager, ce serait donner raison aux bourreaux. J’ai donné ma vie à une lutte que je considère comme noble. Cette lutte, ce n’est pas que la lutte des femmes congolaises, elle nous concerne tous, femmes et hommes."
A l'annonce du Prix Nobel, tout l'hôpital de Panzi a laissé explosé sa joie.