Déjà connu au sein du groupe liégeois The Brums, le batteur Alain Deval a, depuis environ quatre ans maintenant, décidé de se consacrer à ses propres compositions avec son projet Bothlane. Alliant son instrument de prédilection avec des synthétiseurs modulaires, il offre une formule inédite et explosive de techno organique, qu’il vient de décliner dernièrement dans un second EP, Money Ruins The World. Il le présentera dans une formule live ravageuse ce jeudi 4 mai lors des Nuits Botanique, dans une date qu’il partage avec les Français de Quinzequinze. En préambule de cette date, on a rencontré le musicien chez lui, en Cité Ardente, pour évoquer les quelques morceaux qui ont sculpté sa palette sonore caractéristique.
Squeeze The Trigger – Alec Empire
J’ai commencé la musique par la guitare dans des groupes de punk/ grunge, vers 1994. On répétait dans mon grenier où il y avait une batterie et j’ai vite switché, vers 1998 ou 2000. C’était l’époque de la SoundStation et des free parties, j’allais à des soirées jungle et j’adorais ça, les rythmiques m’attiraient beaucoup. Un pote m’a fait écouter Alec Empire, un mélange de punk et d’électronique et ça rassemblait une énergie punk dans la distorsion avec des sons crades et des sonorités jungle. C’est vraiment ça qui m’a donné l’impulsion de mettre une machine à côté de ma batterie.
4 – Aphex Twin
J’aurais pu mettre 1000 morceaux d’Aphex mais j’ai choisi celui-ci. Je l’ai découvert quand j’étais à Saint-Luc. Je faisais aussi de la photo et je me rappelle écouter ça en développant des clichés dans ma chambre. J’avais acheté l’album Drukqs, mais pas écouté directement. Puis quand je suis rentré de soirée vers 4,5 heures je me le suis écouté au casque. Je me suis tapé le double CD d’un coup, j’étais fasciné. Ce disque est complètement dingue. Aphex, ça me parle vraiment car au-delà de son génie il se permet tout avec beaucoup de cohérence et d’ironie et j’aime l’idée de pouvoir faire ce genre de contraste sur un même disque. Comme dans la vie, il n’y a pas que des moments à 200 bpm…
Sun Ship – John Coltrane
Je fais moins de jazz pour le moment, mais j’en écoute toujours beaucoup. J’ai mis ce morceau pour l’énergie qu’il dégage. Ça date des années 60 à New York, période de la ségrégation raciale, c’est la musique des opprimés, c’est aussi puissant que du hardcore avec une touche spirituelle, les mecs jouent avec leurs tripes. Et puis c’est Elvin Jones le batteur, il est celui qui me fascine le plus. Il a un truc bouillonnant organique, à la fois spirituel et à la fois puissant, on sent vraiment que ça raconte des choses.
Hornets – Herbie Hancock
Ce morceau m’a beaucoup parlé lorsque je l’ai découvert. On est en 1973 et on est assez proches de la "techno". On est vraiment dans la transe, on s’approche des années hippies. En me procurant le vinyle, je pensais acheter du jazz et je suis tombé là-dessus. L’intro expérimentale au synthé ARP 2600, ça me parlait à fond. Et la basse me fait trop penser à Flat Beat de Mr. Oizo. Ça montre qu’aujourd’hui, on n’invente rien si en 1973 il y avait déjà des choses comme ça.
Big Furry Head – Amon Tobin
Amon Tobin sample beaucoup de choses, ce qu’on faisait déjà dans la musique concrète avant. Ici, il mélange ça à des synthés et ça a commencé à me parler. Comme il samplait beaucoup de vinyles, il y a beaucoup de batteries qui sont juste des bouts de solos de batteurs de jazz. À ce moment-là, je faisais un peu de musique électronique dans un groupe à Bruxelles, mais globalement j’étais vraiment sur la scène jazz. J’ai commencé à tester le sampling, ce qui m’a aidé à me construire et à rassembler l’électronique et l’acoustique.
You Are Here – Nathan Fake
C’était une super révélation pour moi parce que c’était de la musique électronique avec un côté rock dans les batteries. Ce qui m’a marqué, c’est le live qu’il a fait à Dour en 2005… Il était 2h du matin et il est arrivé avec un set assez calme, tout le monde était dans une sorte de nuage de coton parce que la musique voulait ça. Et j’ai été fasciné par le fait qu’il n’envoie pas quelque chose en puissance à cette heure-là et que tout le monde soit réceptif. C’était dingue. J’ai appris avec lui que la puissance n’est pas toujours dans la puissance.
Faceshopping – SOPHIE
Je suis hyper fan de toute l’esthétique de SOPHIE, ça ratisse large dans les styles, le sound design est incroyable. Tous les contrastes entre le personnage, cette musique aussi puissante, le design qu’elle a développé et les mélodies qui sortent de nulle part… Quel talent ! C’est hyper triste qu’elle soit morte si vite car j’aurais été vraiment curieux de voir la suite.
Ham – Mr. Oizo
C’est assez classique, mais je suis assez fan de Quentin Dupieux de ses films et du personnage… Quand je vois le nombre de choses qu’il sort, je ne sais pas quand ce mec dort. Je suis fasciné par son efficacité. Mr Oizo, c’est du MS20, du sampling… J’adore ce genre de perfectionnistes qui tracent à leur manière et où ça fonctionne. Pour moi, étudier la musique, ça m’a appris beaucoup de choses mais ça m’a aussi apporté beaucoup de blocages. De voir des mecs en freestyle comme ça qui font du son, du cinéma et qui restent à fond dans un truc en s’écoutant, sans suivre un parcours académique, c’est une belle leçon et c’est surtout là que je rencontre les gens les plus créatifs et visionnaires.
Dance Forever – Hudson Mohawke
Ce morceau me parle au niveau des boîtes à rythme. J’aime comme ses disques sont mixés et masterisés. Il y a quelque chose d’hyper actuel dans ses sonorités.
Eh – Death Grips
C’était une bonne conclusion pour cette playlist car il y a un côté aussi batterie mêlée à de l’électronique, avec du hip hop mais aussi du punk dans l’énergie. C’est une grosse influence pour moi. Ils ne rentrent pas du tout dans des cases et c’est hyper créatif.
