Ce lundi 18 mai, les élèves de sixième primaire et de sixième secondaire devraient reprendre le chemin de l'école. Partiellement en tout cas. Le Conseil national de sécurité se penche ce mercredi sur cette nouvelle étape du déconfinement en Belgique.
Cette rentrée ne se fait pas sans inquiétude, pour les parents, enfants et professeurs. N'y-a-t-il vraiment aucun danger ?
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Le docteur Pierre Smeesters, chef du service pédiatrie à l’hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola à Bruxelles, était ce mercredi l'invité de La Première.
Les enfants sont-ils, ou pas, aussi contagieux que les adultes ? Une étude allemande dit qu'ils le sont tout autant. Dans la Dernière Heure ce matin le virologue Marc Wathelet estime, lui, que toutes les communes devraient interdire la réouverture des écoles ce lundi, que les risques sanitaires sont trop élevés.
"Clairement, on vit un moment de doutes et de peurs. C’est une réalité, c’est un phénomène inédit qu’on est tous en train de vivre, donc je pense qu’il faut peut-être aussi garder un maximum de bon sens et raison garder. Je pense que les positions extrêmement tranchées doivent inciter à la prudence", note Pierre Smeesters.
Les enfants, moins malades
"On a quand même une certaine expérience maintenant. Ça reste neuf et il y a encore beaucoup de zones d’ombre, mais il y a des données qui sont objectives. Ce qu’on sait, c’est que les enfants sont peu malades avec cette infection virale. C’est une certitude, ça a été constaté par de nombreuses études. Pas par des centaines d’études, mais par certainement une dizaine d’études, avec des chiffres de pathologies pédiatriques qui sont constants globalement en Chine, aux États-Unis, en Europe et en Australie. On est donc tout à fait confiants en tant que pédiatres.
Moins de virus dans le nez des enfants
"Ce qu’on sait aussi par plusieurs travaux, c’est que quand on va regarder dans le nez des enfants, on voit moins souvent du virus que dans le nez des adultes. Ça, c’est une donnée pour laquelle on a un peu moins d’études, mais pour laquelle on est assez confiants aussi".
"Ça veut dire que la proportion d’enfants qui portent du virus est moindre que la proportion d’adultes qui portent du virus. On n’a pas encore fait ça à Bruxelles vraiment largement, mais dans d’autres villes on a testé, fait des frottis naso-pharyngés à tout le monde, pas malades, asymptomatiques, et on voit qu’on en trouve plus dans le nez des adultes que dans le nez des enfants. Ça, c’est objectif".
Et la transmission du virus aux autres personnes ?
Les enfants, des bombes virales ? Des inepties
"La transmission, par contre, il y a encore une question. On ne peut rien affirmer de manière tranchée. On a entendu des choses, des inepties qui ont parfois été dites par certains politiques français notamment, qui ont dit que les enfants étaient des bombes virales. Ce n’était basé sur rien du tout et ça a fait beaucoup de bruit. On n’en sait rien du tout. L’étude de l’équipe allemande de Berlin, dont on a beaucoup parlé dans les médias, est une étude qu’il faut prendre avec, je pense, une analyse très critique. C’est une étude qui n’a pas encore été 'peer reviewed', donc c’est simplement la vision, la voix de son auteur".
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"Cette étude a un biais majeur, c'est qu'elle ne sait pas quel enfant était malade ou quel enfant n’était pas malade. Le nombre d’enfants est malgré tout assez petit dans cette étude et il suffirait que les quelques enfants qui avaient des hautes charges virales soient par exemple hautement malades et ça change complètement les résultats".
Des études tendent à suggérer, mais ce n’est pas une preuve, que les enfants transmettent peu
"On parle beaucoup de tracing, et le tracing est quelque chose qu’on fait énormément en recherche. On refait toute l’histoire clinique autour d'un cas pour essayer de comprendre dans des études épidémiologiques la transmission. Il y a plusieurs études qui ont été faites et elles tendent à suggérer, mais ce n’est pas une preuve, que les enfants transmettent peu. Au jour d’aujourd’hui, je suis beaucoup moins inquiet d’une potentielle transmission des enfants que je ne pouvais l’être il y a trois mois, mais il n’y a pas encore de réponses définitives".
Le retour à l'école, risqué?
"Le risque zéro n’existe pas, mais le risque semble vraiment faible. On est dans un moment un peu particulier où on doit prendre des décisions avec une connaissance qui est incomplète, mais on doit balancer les risques. Et nous pensons comme pédiatres — et je pense que c’est important de défendre la voix des enfants parce qu’on les a peu entendus jusqu’à présent dans cette crise — que le risque sanitaire lié à la transmission est inférieur au risque physique, psychologique et social de laisser les enfants isolés pendant encore de nombreux mois".
"Mes enfants, qui peuvent retourner à l’école parce qu’ils sont dans les années qui y sont éligibles, retourneront à l’école et je suis très content pour eux", conclut-il.