Journal du classique

Décès de la cantatrice Grace Bumbry, première chanteuse de couleur à chanter au Festival de Bayreuth

© Evening Standard / Hulton Archive / Getty Images

Au lendemain de la disparition du pianiste Menahem Pressler, c’est une autre grande icône de la musique qui s’est éteinte ce dimanche 7 mai. La cantatrice Grace Bumbry est décédée à Vienne, à l’âge de 86 ans. Elle fut la première femme noire à chanter au Festival de Bayreuth en 1961.

Elle fut la première cantatrice noire à chanter au Festival de Bayreuth, en 1961, la cantatrice Grace Bumbry, qui avait été affaiblie il y a quelques mois par une attaque cérébrale, s’est éteinte le dimanche 7 mai dernier à l’âge de 86 ans, à Vienne, ville où elle s’était établie depuis de nombreuses années. Son héritage musical et son engagement en faveur de l’égalité ont fait d’elle une véritable icône de l’opéra et de la lutte pour les droits civils.

Née le 4 janvier 1937 à Saint-Louis, fille d’une institutrice et d’un employé des chemins de fer, Grace Bumbry commence le chant dès le plus jeune âge, chantant notamment lors des offices religieux. C’est un concert de Marian Anderson, première chanteuse noire à se lancer dans l’art lyrique, qui va profondément marquer Grace Bumbry et lui donner envie de devenir cantatrice.

Grace Bumbry en Amneris dans "Aïda" de Verdi

A 17 ans, sa victoire à un concours radiophonique, en interprétant l’air O Don Fatale, issu du Don Carlo de Verdi, lui permet d’obtenir une bourse d’étude pour le St Louis Institute of Music. Malheureusement, dans une Amérique encore fortement marquée par la ségrégation, sa couleur de peau lui vaut un refus de l’institution. Elle se tournera alors vers le Boston University College Fine Arts. Elle partira ensuite en Californie, suivre l’enseignement de la soprano Lotte Lehmann, à la Music Academy of the West.

A la fin des années 50, la mezzo-soprano s’envole pour l’Europe, et fait ses débuts en récital à Paris en 1958, avant de faire ses débuts scénique à l’Opéra Garnier en 1960, où elle incarne Amneris dans l’Aïda de Verdi. Grace Bumbry devient ainsi la première chanteuse lyrique noire à monter sur la scène de l’opéra parisien.

"Vénus noire"

Grace Bumbry incarne la déesse Vénus dans le Tannhäuser de Wagner au Festival de Bayreuth, en 1961

En 1961, Grace Bumbry accède à la gloire internationale en incarnant la Vénus de Tannhäuser au festival de Bayreuth, devenant la première chanteuse lyrique de couleur à obtenir un rôle de premier plan dans l’antre de Wagner. C’est le petit-fils de Richard Wagner, Wieland Wagner, qui a personnellement choisi Grace Bumbry : "Quand j’ai entendu Grace Bumbry, j’ai su qu’elle était la Vénus parfaite ; grand-père aurait été ravi !", déclare Wieland Wagner, qui doit défendre son choix face aux détracteurs conservateurs qui ne voient pas d’un bon œil qu’une chanteuse de couleur chante à Bayreuth.

Le 24 juillet 1961, le succès est total, le public offre à Grace Bumbry "30 minutes d’ovation et la troupe est rappelée 42 fois sur scène", rapporte le Kennedy Center. Grace Bumbry sera ensuite invitée par Jacqueline Kennedy à chanter à la Maison Blanche, un honneur et, encore une fois, une première pour une cantatrice afro-américaine. La carrière internationale de la mezzo-soprano est lancée, elle chantera dans les maisons d’opéra les plus prestigieuses, de Covent Garden à Salzbourg, en passant par La Scala, le Metropolitan Opera ou encore le Staatsoper de Vienne, aux côtés des orchestres et chefs d’orchestre les plus renommés, tels que Claudio Abbado, Herbert von Karajan, James Levine ou encore Leonard Bernstein.

De mezzo à soprano

Dans les années 70, Grace Bumbry décide de se tourner vers des rôles de soprano, afin de soulager sa voix, fatiguée par les graves de mezzo. Elle s’attaquera donc aux plus grands rôles du répertoire comme ceux de Salomé de Strauss, de la Tosca de Puccini, de Norma de Bellini ou encore de Médée de Cherubini, sans abandonner pour autant les rôles de mezzo. Plus d’une fois, elle réalise la performance d’alterner deux rôles (de soprano et de mezzo) lors de la même production. Ce fut notamment le cas à Covent Garden, où elle a chanté le rôle-titre de Norma, mais également celui d’Adalgisa. "De même, elle alternera Aida et Amneris, Vénus et Elisabeth dans Tannhäuser, Cassandre et Didon dans Les Troyens", précise nos confrères du magazine Diapason.

Grace Bumbry fera ses premiers adieux à la scène en 1997, interprétant Klytämnestra dans Elektra de Strauss, pour se consacrer pleinement à l’enseignement, elle fondera par ailleurs la Grace Bumbry Vocal and Opera Academy, à Berlin, en 2009. L’appel de la scène se fera entendre au début des années 2000, où Grace Bumbry donnera une série de récitals en l’honneur de sa professeure et mentor Lotte Lehman.

Grace Bumbry dans l’opéra Treemonisha de Scott Joplin, en 2010
Grace Bumbry dans l’opéra Treemonisha de Scott Joplin, en 2010 © AFP / Joel Saget

En 2010, Grace Bumbry retrouve les planches de l’opéra à 73 ans, en incarnant la mère de Treemonisha dans l’opéra éponyme de Scott Joplin. En 2012, elle endosse le rôle de la "Vieille Dame" dans Candide de Bernstein et en 2013, on la retrouve en Comtesse de La Dame de Pique de Tchaïkovski à l’Opéra d’Etat de Vienne.

Grace Bumbry est décédée le 7 mai dernier, à l’âge de 86 ans, laissant derrière elle une incroyable carrière et une belle discographie.

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