Dixième président de la République italienne, Carlo Azeglio Ciampi, mort vendredi à 95 ans, autorité morale très respectée dans son pays, était considéré comme un rempart contre les écarts du gouvernement de Silvio Berlusconi.
"Une pensée reconnaissante à l'homme des institutions qui a servi l'Italie avec passion", a écrit vendredi sur Twitter le chef du gouvernement Matteo Renzi, tandis que son ministre des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni, saluait "un grand homme d'Etat italien".
Principal artisan de l'entrée de l'Italie dans l'euro et unanimement respecté en Italie, il était entré en politique très tard, à l'âge de 72 ans, en prenant la tête d'un gouvernement de transition, en avril 1993, au lendemain d'une tempête provoquée par des enquêtes anti-corruption "Mani Pulite" (Mains Propres).
Né le 9 décembre 1920 à Livourne, port de Toscane, dans une famille d'opticiens, rien ne semblait le prédisposer à une carrière qui l'a mené au sommet de l'Etat après avoir contrôlé les leviers de la politique monétaire et financière de l'Italie.
Elève des jésuites, très lié avec l'antifasciste Guido Calogero, son professeur à l'école Normale de Pise (Toscane), il est mobilisé en 1941 dans l'armée italienne comme chauffeur en Albanie. A son retour, il s'enrôle dans les rangs de la Résistance contre le régime de Mussolini.
A la fin de la guerre, il s'installe à Livourne, obtient un diplôme de Droit avec une thèse sur le droit ecclésiastique, enseigne pendant six mois et rencontre son épouse Franca, avec laquelle il a deux enfants. Fille de banquier, elle lui conseille de tenter le concours de la Banque d'Italie en 1946.
C'est le début d'une longue carrière au sein de la banque centrale, dont il gravira tous les échelons pendant 47 ans jusqu'à en devenir gouverneur en 1979, année où la lire entre dans le SME (système monétaire européen).
Grand commis de l'Etat n'appartenant à aucune famille politique, il est appelé à la rescousse en 1993 par le président Oscar Luigi Scalfaro pour diriger le premier gouvernement de "techniciens" dans un pays en proie aux scandales et en pleine crise politique.
Il remplit avec succès ses deux missions: préparer les réformes institutionnelles pour répondre à la demande de changement des Italiens et défendre la lire.
Rempart anti-Berlusconi
Il en retirera une grande réputation d'intégrité et de compétence. Comme président du Conseil, il inaugure une politique de large concertation avec les syndicats et le patronat, précurseur de la politique des pactes sociaux syndicats-gouvernement-patronat. Il doit aussi affronter en 1993 les attentats meurtriers de la mafia contre des musées et églises à Florence, Rome et Milan.
Avec l'arrivée de Silvio Berlusconi à la tête du gouvernement en mai 1994, il redevient simple citoyen et ne reparaît en politique qu'en mai 1996, nommé super ministre de l'Economie d'éphémères gouvernements de centre-gauche.
Le 13 mai 1999, il est triomphalement élu pour sept ans à la Présidence de la République: dès le premier tour, il obtient les voix de 707 des 1010 "grands électeurs".
Affable et réservé, le regard perçant ombragé par des sourcils fournis et blanchis par l'âge, toujours élégant mais avec sobriété, il s'est montré très interventionniste dans sa fonction, contrariant à de nombreuses reprises Silvio Berlusconi et ses alliés politique de droite et faisant de la présidence un vrai lieu de pouvoir.
Il a plusieurs fois rappelé à l'ordre le chef du gouvernement dans des interventions publiques sur la presse, la justice, l'immigration et l'Europe.
Et il s'est opposé à lui à deux reprises en refusant de signer ses très contestées réformes de l'audiovisuel et de la magistrature, le contraignant à modifier sa copie.
"Il nous appartient de donner jour après jour substance, efficacité et dignité aux institutions", avait-il déclaré en octobre 2002 pour définir sa fonction.