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Décarboner les océans : à bord du premier voilier-cargo au monde

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Chaque jour dans le monde, 100.000 cargos sont en circulation en mer pour approvisionner la planète en matières premières et en objets manufacturés. Un chiffre qui a explosé ces dernières années. 80% du commerce mondial se fait par la mer. C’est le défi écologique majeur pour l’avenir des océans. High tech, low tech : les innovations sont en marche. 

Nous sommes à bord du Grain de Sail, un voilier-cargo unique au monde. C’est le premier cargo écologique homologué par la Marine Marchande française. Soleil qui pointe et mer calme, nous quittons le port de Brest pour Saint-Malo, où le cargo va charger du vin bio et prendre la direction de New-York.

On tue le bilan carbone à 97%

“Lors de notre dernière transatlantique, nous avons uniquement consommé 9 litres de gasoil… Juste de quoi sortir du port de Saint-Malo et rentrer dans le port de New York. Tout le reste du parcours se fait à la voile, à la simple force du vent et avec des systèmes de guidage très précis. C'est ainsi que l'on tue le bilan carbone à 97%”, explique Olivier Barreau, co-fondateur de Grain de Sail. 

    Avec sa coque en aluminium, ce voilier de 24 mètres peut transporter environ 50 tonnes de chargement. C’est un prototype mis à l’eau depuis un an, qui a connu des modifications pour fonctionner de manière optimale. Pari réussi, selon les concepteurs de ce pur voilier. La vie à bord est entièrement alimentée en électricité par les énergies renouvelables. Sur le ponton, deux petites éoliennes et un ensemble de panneaux solaires. À l’arrière du bateau, des hydro-générateurs produisent également de l’électricité simplement par le mouvement de l’avancement du bateau sur l’eau. Ces sources renouvelables alimentent complètement les fonctionnement électriques, y compris la radio et le système de navigation.

Le "Grain de Sail", premier cargo écologique homologué par la Marine Marchande française
Le "Grain de Sail", premier cargo écologique homologué par la Marine Marchande française © Tous droits réservés

Produits à forte valeur ajoutée

Ce bateau était le rêve de deux frères, des entrepreneurs, qui sont devenus à la fois armateurs, chocolatiers, torréfacteurs… Ils ont financé ce bateau de 2 millions d’euros avec très peu d'aides à l'innovation. Le principe de base était d’être rentable. Et le modèle l’est, selon Jacques Barreau, co-fondateur de Grain de Sail. Un modèle qui n’est cependant pas transposable à tous les business-modèles.

Grain de Sail commercialise et transforme des produits à forte valeur ajoutée. Du vin bio est exporté par cargo aux Etats-Unis, puis du café et du cacao reviennent sur le continent où ils sont exploités dans l’usine de chocolaterie et torréfaction. Le cargo écologique n’a que peu d’impact sur le prix des produits. “Par exemple, le surcoût est de 13 centimes pour une tablette de chocolat. Ce n’est pas beaucoup, et les consommateurs admettent ce surcoût pour un produit haut de gamme. Nous avons cette obligation de transporter des produits qui ont suffisamment de valeur ajoutée pour pouvoir diluer le surcoût d’un transport écologique”, détaille Jacques Barreau.

Jacques Barreau, co-fondateur de Grain de Sail
Jacques Barreau, co-fondateur de Grain de Sail © Tous droits réservés

L’une des clés est que l’entreprise pilote toute la chaîne de transport et de production. Les produits acheminés d’un côté et de l’autre de l’Océan ont été pensés pour être compacts, et donc rentables dans ce modèle écologique. “Par exemple, nous ne ramenons pas le cacao en vrac, reprend Jacques Barreau. Nous ramenons ces caisses : les fèves ont été fermentées, séchées, torréfiées et broyées là-bas en Amérique latine. Elles se présentent dans ces pains compacts de 25kg beaucoup plus faciles que des sacs de vrac à stocker dans le navire. Et en plus, cela permet de conserver les arômes jusqu’à notre chocolaterie de Morlaix”.

Prototypes à hydrogène

Pour les deux frères, l’invention de transports plus écologiques ne dispense pas de relocaliser tout ce qui peut l'être pour réduire le transport en mer, qui a explosé ces dernières années. 80% des échanges commerciaux se font aujourd’hui par la mer : il devient très urgent de décarboner les cargos. Sur les 100.000 bateaux de transport en circulation chaque jour, un tiers sont des cargos moyens qui se déplacent à l’intérieur même des continents. 

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Vous ferez zéro émission directe, donc zéro pollution

Sur ce créneau-là, les premiers prototypes à hydrogène sont en train de voir le jour, comme Energy Observer II, un futur bateau aux multiples partenaires européens, dont la Compagnie maritime belge. “Nous allons substituer des lignes qui concurrencent les camions, indique Louis-Noël Vivies, directeur général d’Energy Observer. C’est très intéressant, car par exemple, en mer du Nord ou en mer Baltique, vous avez tous ces ponts avec la mer au milieu. Souvent, le trajet en bateau est même plus court qu’en camion. Il est également beaucoup moins cher avec notre bateau à hydrogène. Vous aurez un coût de transport à la tonne qui sera bien plus faible sur ce bateau, et vous ferez zéro émission directe, donc zéro pollution.”

Louis-Noël Vivies compte sur les grands ports, où les industries lourdes investissent massivement dans l’hydrogène, comme les ports français de Dunkerque ou Fos-sur-Mer par exemple, afin d’obtenir d’ici peu un hydrogène peu cher. Ce cargo Energy Observer II pourra être mis à l’eau d’ici deux ans. Chez Grain de Sail, le second pur voilier, deux fois plus grand, avec un chargement de 350 tonnes, entre juste en construction.

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