Tendances Première

De quoi avons-nous vraiment besoin ?

Les Économistes Atterrés proposent des pistes pour un meilleur vivre ensemble

© Getty Images

C’est la question que développent les Économistes Atterrés dans un ouvrage collectif. Ils nous invitent à distinguer l’essentiel du superflu et l’utile du nuisible. Comment se nourrir, se loger, s’éduquer, se cultiver, se soigner ? Comment produire et travailler ensemble ? 

Partir de ce dont nous avons vraiment besoin, c’est sortir de l’économisme coupé de la réalité sociale et fonder l’économie sur les valeurs humaines auxquelles nous tenons pour vivre ensemble. C’est seulement à partir de ces véritables besoins que peut se construire une réelle alternative sociale et écologique au capitalisme néolibéral actuel.

De quoi avons-nous vraiment besoin ? (Ed. Des Liens qui libèrent)

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Les Économistes Atterrés se sont créés lorsque les politiques d’austérité ont commencé en Grèce, quand les Etats, plutôt que de venir au secours de ce pays, ont fini de l’étouffer, explique Virginie Monvoisin, professeure à la Grenoble École de Management. Un collectif d’économistes s’est constitué pour expliquer pourquoi l’austérité en période de récession n’est pas une bonne idée. Il s’intéresse à d’autres champs du savoir que l’économie pure et montre que d’autres politiques sont heureusement possibles.

"Notre étonnement face à nos collègues économistes et aux propositions politiques existe toujours, d’autant qu’effectivement, des tas de propositions très diverses existent, que ce soit dans la société civile, que ce soit parmi les universitaires et parmi les économistes que nous sommes."

C’est quoi, un besoin essentiel ?

L’économie dominante prétend partir des besoins, mais des besoins individuels. C’est compliqué, car qu’est-ce qui est le plus essentiel ? Cela dépend de tant de critères.

Les Économistes Atterrés envisagent plutôt les besoins sociaux, les besoins de société, le besoin de faire des choses ensemble. Pour eux, on peut réfléchir à autre chose qu’au simple consumérisme, et en particulier à des besoins qui sont moins à la mode, un peu relégués, dont on a senti le manque pendant le confinement : la culture, l’éducation… Des besoins qui font société et qui nous permettent de penser à une société du monde d’après, une société qui donne envie.

Le monde d’après

"Le monde d’après le confinement, on en a beaucoup parlé, mais sans grande surprise, le capitalisme continue ce qu’il fait depuis très longtemps, souligne Dany Lang, maître de conférences à l’université Paris-13. C’est-à-dire d’essayer de tout récupérer et d’essayer de recoller les morceaux pour continuer toujours dans la même voie, qui est de plus en plus insupportable pour la grande majorité des gens.

Le changement passe par des rapports de force sociaux ; c’est le travail des forces sociales et des mobilisations. Il passe aussi par les idées. L’ouvrage De quoi avons-nous vraiment besoin ? propose des idées qui amèneraient vers une société plus vivable et plus soutenable au plan écologique, social, démocratique.

Lutter contre les inégalités

On observe le creusement des inégalités, non seulement salariales, mais aussi liées à l’éducation, aux conditions de travail, au patrimoine, à l’accès aux soins… Outre la question des revenus primaires ou montant des salaires, se pose la question de la répartition secondaire : les aides sociales, la fiscalité, mais aussi la question de l’ascenseur social.

Les choix politiques jouent un grand rôle dans ces inégalités. Il faudrait revoir la question de l’imposition progressive des revenus, de la trop grande part de la valeur ajoutée qui part aux profits, au détriment des salaires. Tout cela se ressent dans la vie quotidienne d’une grande majorité des gens, explique Dany Lang.

"En France, quand on a créé le salaire minimum, cela permettait à un homme, une femme et trois enfants de vivre. Aujourd’hui, avec un salaire minimum, autour de 1200€ net pour un temps plein, il est extrêmement difficile de s’en sortir, dans une grande ville."

Transport et logement

Parmi les problématiques très actuelles, il y a la question de l’arbitrage entre coût du transport et coût du logement, soulevée par les Gilets jaunes. Le fait de devoir habiter de plus en plus loin pour minimiser les coûts du logement rend les gens très dépendants des coûts de transport, qui varient beaucoup en fonction des prix du marché.

Le confinement a mis en évidence les inégalités en termes de logement, notamment avec la surpopulation dans un lieu trop exigu.

"Il y a plein de pistes pourtant concernant la problématique du logement : la rénovation énergétique thermique, le plafonnement de certains loyers, les espaces partagés et lieux communs de vie, tant en ville qu’en milieu rural, la redynamisation de villes moyennes et de villages…", souligne Virginie Monvoisin.

Tout cela est à penser en termes de politique de transport et d’aménagement du territoire. Il faut arrêter de penser à court terme et il faut se projeter à plus de 5 ans. Ne pas avoir peur de faire des investissements à long terme. Mais les néolibéraux ont du mal à sortir de leur schéma.

Travail

Le néolibéralisme, c’est du court terme aussi en ce qui concerne le monde du travail. Il faut de la rentabilité tout de suite. Les emplois précaires se multiplient. La pénibilité de plus en plus grande dans le travail s’explique par une perte de sens, souvent provoquée par l’objectif de maximisation du profit.

Comment créer un emploi de qualité qui permette aux personnes de s’épanouir ? En réhabilitant le travail et la réduction du temps de travail, de manière plus humaine pour les individus, pour leur permettre de s’occuper de choses importantes en dehors du travail, comme un projet de naissance, ou encore de bénéficier des congés de formation.


"Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est de la réinscription de l’intérêt général et du bien commun aux frontons de la démocratie." Ecoutez la suite de ce dossier dans Tendances Première.

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