Belgique

De plus en plus de nouveaux emplois créés servent à remplacer les travailleurs malades

De plus en plus de nouveaux emplois créés servent à remplacer les travailleurs malades. Photos d'illustration.

© Getty Images

Le phénomène existait déjà mais il s’accélère depuis le milieu des années 2000 : le nombre de personnes engagées pour remplacer les travailleurs malades a tendance à augmenter ces dernières années. Autrement dit, plus qu’avant, il faut remplacer des personnes malades au travail. C’est surtout vrai dans le secteur social et dans celui de la santé. "Tout indique que ce phénomène a pris de l’ampleur en 2020 et 2021 en raison de l’épidémie de coronavirus", avance l’économiste de l’Institut pour le développement durable et membre d’Ecolo, Philippe Defeyt.

100 = 101

De quel phénomène s’agit-il ? Prenons un exemple : aujourd’hui, si un employé tombe malade, il continue à être payé par son employeur pendant un mois (7 jours pour les ouvriers). Imaginons que, passé ce délai, il ou elle soit toujours malade, il basculera alors "sur la mutuelle" c’est-à-dire que son salaire sera pris en charge par son organisme assureur. Dans son entreprise, cette personne sera remplacée. L’entreprise passera donc de 100 à 101 travailleurs mais, dans les faits, il n’y en aura que 100 effectivement au travail.

Ce n’est pas neuf. De tout temps, il a fallu remplacer des personnes malades. Certaines entreprises organisent même ce remplacement, ce roulement, en créant par exemple des équipes volantes composées de travailleurs qui ne font "que" pallier les manquements, remplacer les collègues là où il y a des "trous" dans les horaires. Le statut de ces "remplaçants" est variable (CDD, intérimaire, etc.).

Si l’on en croit les statistiques des années 2000, ce phénomène est en hausse. Philippe Defeyt en conclut "qu’une partie de la création d’emplois dans le privé est liée au fait qu’il faut remplacer plus qu’avant des personnes malades". Bref, les chiffres de la création d’emplois sont à relativiser en Belgique.

Des conditions de travail dégradées

Le constat est là mais comment l’expliquer ? "Quand on voit l’importance du nombre de malades dans les secteurs social et de la santé, on ne peut pas attribuer cette tendance au vieillissement. C’est trop simpliste", argumente l’économiste.

"Je pense qu’il s’agit davantage d’une dégradation des conditions de travail, notamment parce que le nombre d’incapacités primaires et d’invalidités augmente dans toutes les catégories d’âge", ajoute-t-il. Par incapacité primaire, on entend une incapacité de travail de maximum un an reconnue par le médecin-conseil de la mutuelle. Il s’agit d’une hypothèse… qu’il faudrait confronter avec le terrain.

Que disent les chiffres ?

Coté chiffres, 114.000 salariés et salariées du privé étaient en incapacité primaire et 129.000 en invalidité, soit 243.000 personnes en tout, c’est-à-dire 9% de l’ensemble des salariés du privé indemnisés par une mutuelle en 2019. Leur nombre a augmenté de 90% entre 2005 et 2019 (+116.000).

"Le secteur social et santé représentait à lui seul plus de 25% des situations d’incapacité et d’invalidité en 2019, alors qu’il représentait 16% de l’emploi", précise Philippe Defeyt. Et l’on peut supposer que l’épidémie Covid-19 a accéléré la tendance en 2020 et 2021.

"Bien sûr il y a création d’emploi", poursuit l’économiste de l’Institut pour le développement durable. "Le marché du travail est dynamique mais, malheureusement, une partie de ces emplois est liée à la hausse des travailleurs malades". Dans cette logique, les pénuries dans certains secteurs, y compris celui de la santé, sont donc étroitement liées… aux travailleurs malades et à leur remplacement.

Le marché du travail est dynamique mais une partie de ces emplois est liée à la hausse des personnes malades. D’où la nécessité de se pencher sur les raisons qui explique l’augmentation du nombre de malades. Car, pour prendre un autre exemple, s’il y a moins de malades dans l’enseignement, trouver des remplaçants sera plus facile…

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