Entrez sans frapper

De l’écran noir à la page blanche, le cinéaste dissident John Waters devient écrivain à 77 ans

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Vingt ans après son dernier film, John Waters nous invite à découvrir sa nouvelle galerie de personnages plus déjantés les uns que les autres. Le réalisateur de Pink Flamingo, Hairspray, ou Cry Baby n’a pas abandonné son style provocateur et son amour des marginaux. Seulement, au lieu de les mettre en scène à l’écran, il les a convoqués par l’écriture de son premier roman. Le truculent John Waters était l’invité d’Entrez sans frapper pour la sortie de son livre Sale menteuse aux éditions Gaia.

Marsha et sa famille complètent le cortège des personnages loufoques à la John Waters

"Je rêve d’eux, je vis avec ces personnages. Je pense qu’ils sont devenus mes amis. Quand vous écrivez un livre, cela vous prend trois ans. Souvent je rêve la nuit que j’ai trouvé un climax, et je me lève au milieu de la nuit pour l’écrire. Puis je le relis au petit matin, et cela n’a pas de sens. Mais cela prouve que tous ces personnages sont une part de moi-même. Et je crois que chacun possède en lui des milliers de personnages. Ce n’est pas de la schizophrénie, cela s’appelle être créatif".

Le maître de l’irrévérence nous a offert les plus improbables personnages à l’écran. Son égérie était Divine, un acteur et chanteur drag-queen qu’il a mis en scène dans le déjanté 'Pink Flamingos', dans 'Polyester' le film diffusé en odorama pour le meilleur et pour le pire, l’hommage au twist et à la choucroute capillaire dans 'Hair spray'. Pour Cry Baby, c’était Johnny Depp qui menait une petite bande de freaks.

Avec son premier personnage d’encre et de papier, Waters raconte dans Sale menteuse l’histoire burlesque de Marsha. Marsha Sprikel, une femme détestable, escroc, voleuse et menteuse. Elle vole des fringues à l’arrivée des bagages aux aéroports. Son complice Daryl travaille gratuitement pour elle. Le deal est qu’au bout d’un an, il pourra assouvir ses envies sexuelles avec elle. Justement, aujourd’hui, c’est le jour de Daryl. Mais le vol se passe mal, et ils doivent se séparer. Le livre raconte la poursuite de Daryl après Marsha. Marsha est partie régler des comptes avec sa famille. Sa fille Poppy est responsable d’un club illégal de trampoline, sa maman est chirurgienne esthétique pour chien elle opère aussi des chiens transsexuels. Le roman pourrait être sordide sans l’humour absurde de John Waters.

"Marsha est une femme forte, mais peut-être pour les mauvaises raisons. Je l’aime bien, j’adore passer du temps avec elle dans un livre, mais je ne voudrais pas la rencontrer dans la vraie vie car elle fait peur. Mais je l’aime bien. Elle est juste la version ultime d’une 'control freak'. Elle déteste la musique car elle entre en compétition avec elle. Pareil pour le sexe. Donc je la trouve charmante, drôle. Aucun de mes personnages féminins ne pense être drôle, mais leur comportement est potentiellement humoristique pour les spectateurs ou lecteurs".

Le réalisateur et écrivain John Waters en 2013
Le réalisateur et écrivain John Waters en 2013 © Robin Marchant via Getty Images

En marge de la marginalité ? Avec Waters, c’est possible

Un livre où l’égoïsme est à son comble. Sale menteuse est aussi une histoire de famille tumultueuse. Trois générations de femmes s’affrontent : la grand-mère, la mère et sa fille.

"Elles essayent de prendre une revanche les unes sur les autres. En fait, elles ont toutes une bonne raison pour être aussi cinglées. Le message de toute mon œuvre est de ne pas juger les gens avant de connaître toute leur histoire. Si je n’étais pas écrivain, je serais un psychiatre, et un bon ! (Rires)"

Avec ce road trip burlesque, John Waters ne s’interdit aucune provocation, applique le mauvais goût avec un tel talent qu’il en devient artistique. La subversion explose au visage, il dresse un portrait d’hurluberlus à tel point singuliers qu’ils en deviennent les freaks de leur marginalité.

"Ils ne cadrent pas avec leur propre minorité, ils sont à un autre niveau de rébellion. Ils pensent avoir raison, et ils ne comprennent pas pourquoi ils sont considérés comme hors norme. J’essaye de rire des règles que les marginaux s’imposent. Parce que nous nous sommes moqués des règles de nos parents auxquelles nous avons échappé, mais de nos jours, les minorités ont plus de règles que nos parents en avaient.

Vous devenez toujours une version de vos parents même si vous l’avez retournée. J’ai eu une carrière consacrée au mauvais goût, ce ne serait pas arrivé si mes parents ne m’avaient pas inculqué le sens du bon goût contre lequel me révolter.

► Découvrez l’intégralité de l’interview de John Waters ci-dessus.

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