A Lushebere, dans l'est de l'ex-Zaïre, ces jeunes recrues des Forces démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) patrouillent autour d'un "VIP" de la rébellion séjournant dans la localité.
Les FDLR, dont certains éléments ont participé au génocide de 1994 au Rwanda, qui a fait, selon l'ONU, environ 800.000 morts essentiellement parmi la minorité tutsi, opèrent dans l'est de la RDC, voisin du Rwanda.
Ils se battent actuellement aux côtés de l'armée congolaise contre la rébellion de l'ex-général congolais tutsi Laurent Nkunda.
Béret vert et collier rasta, Claude, paraissant plus jeune que ses 22 ans, fixe son interlocuteur d'un regard inquiétant en expliquant sa fuite du Rwanda.
"Mon père a été accusé d'être un génocidaire et emprisonné injustement, j'ai aussi été pourchassé", affirme-t-il à l'AFP, en maintenant son fusil AK-47 entre ses bottes en caoutchouc.
"Fin 2005, le gouvernement de (Paul) Kagame a voulu me forcer à entrer au service militaire pour aller combattre les FDLR. J'ai préféré fuir pour trouver la sécurité", poursuit-il.
L'actuel président rwandais Kagame était à la tête du Front patriotique rwandais (FPR), ex-rébellion tutsi, qui a mis fin au génocide en prenant le pouvoir à Kigali en juillet 1994.
Après avoir transité par le Burundi, Claude est arrivé dans la province congolaise du Sud-Kivu, où il a rejoint les FDLR.
"Les Hutu du Rwanda sont malmenés par les Tutsi (...). Ils n'ont pas la parole, ont des difficultés à trouver un emploi", proteste-t-il.
Selon le porte-parole des FDLR, le lieutenant-colonel Edmond Ngarambe, le mouvement a "reçu un afflux de jeunes" depuis 2006, en raison des procès organisés par les "gacaca", juridictions populaires rwandaises chargées de juger les auteurs présumés du génocide.
"Chaque jour, des gens fuient l'oppression au Rwanda", affirme-t-il, niant que les FDLR pratiquent un recrutement forcé. Il fustige "un esprit de domination dans le régime tutsi" de Kigali, "qui ne veut pas évoluer".
Emmanuel, 22 ans, avait fui une première fois le Rwanda en 1994 - avant de rentrer peu de temps après - puis à une seconde reprise en 2007.
Après avoir été évincé selon lui à un examen scolaire au profit d'un élève tutsi, il a décidé de "rejoindre (ses) compatriotes dans l'est du Congo".
"La vie n'est pas plus dure (dans la rébellion) que ce qui m'a poussé à fuir", assure Emmanuel, pourtant terrassé par une crise de paludisme.
"J'envisage comme les autres de regagner le pays et de reconquérir mes droits un jour", lance-t-il en durcissant son visage.
D'autres jeunes Hutu, qui ont dû fuir le Rwanda après le génocide, ont grandi dans l'est de la RDC et ont rejoint les FDLR, leurs supérieurs jurant les avoir laissés libres de leur choix.
Uniforme déchiré, béret posé sur le canon de son arme, Siméon, 20 ans, raconte "l'extermination de sa famille" lors d'une attaque du FPR dans son village en 1994, puis sa fuite dans l'ex-Zaïre et "l'accueil" au sein des FDLR, dont il a rejoint la branche armée il y a quatre ans.
A 25 ans, un autre jeune ayant souhaité garder l'anonymat affirme avoir déjà passé dix ans dans la rébellion.
"Pendant les massacres de 1994, on a tué mes parents, j'ai fui en RDC, mais on nous a poursuivis jusqu'au Congo Brazzaville. L'organisation (des FDLR), ce sont mes seuls parents", lâche-t-il.
"Mon objectif, c'est de rentrer au Rwanda et non de vivre aisément ici, mais pour le moment, c'est de préserver ma vie qui prime", conclut-il.