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De Galan, De Permentier, Ghyssels, Roberti : Forest, ton mayorat impitoyable

Roberti, Ghyssels, De Galan et De Permentier: quatre figures politiques à la tête de la commune de Forest.

© Belga

Par Karim Fadoul

"Forest est la capitale du Far West (...), une commune compliquée (...), notamment en matière d’installation du conseil et d’élection du collège. C’est une tradition depuis 1921. Au point que, en 1958, le bourgmestre Henri Dulieu est mort, en pleine séance, d’une crise cardiaque au moment où une partie des socialistes lui retiraient leur confiance."

Trahisons, désillusions, tractations, suspicions, confusions, abandons : la séquence autour de la démission, cette semaine, du bourgmestre Ecolo Stéphane Roberti, en burn-out depuis novembre 2020, ne fait que confirmer ce qu’écrivait déjà "Le Soir" en septembre 1982 sur le profil politique atypique de Forest.

La commune, coincée entre Saint-Gilles, Uccle, Anderlecht, Ixelles et Drogenbos, a toujours attisé les convoitises et sa prise a rarement été un long fleuve tranquille. Le spectacle offert avant, pendant et après chaque scrutin par les personnalités locales n’a rien à envier à celui des artistes qui se produisent dans la salle de spectacles de l’avenue Rousseau qui fait la notoriété de l’entité.

Retour sur cinq grands épisodes récents qui ont marqué l’histoire politique de Forest, avant le départ de Stéphane Roberti.

Octobre 2018 : cdH et MR chassés de la majorité

Au soir des communales de 2018, Ecolo-Groen sont les grands gagnants. La liste totalise plus de voix que celle du bourgmestre sortant PS Marc-Jean Ghyssels et devance celle-ci d’un siège au conseil.

La tête de liste, Stéphane Roberti a la main et lance le bal des négociations. Après quelques jours seulement, un accord est trouvé avec le cdH de Laurent Hacken et le MR de Cédric-Pierre De Permentier, fils de l’ancienne bourgmestre Corinne De Permentier. La majorité comptera 19 sièges sur 37 (23 sur 37 avec l’apport de DéFI). Le PS est relégué dans l’opposition. L’acte de candidature de Roberti au poste de bourgmestre est signé par les nouveaux partenaires qui se partagent aussi les mandats au sein du futur collège. L’affaire est pliée.

Mais aussi surprenant qu’inattendu, quelques jours plus tard, l’accord est brûlé. Stéphane Roberti a décidé d’éjecter Humanistes et Libéraux pour s’allier avec le PS. A une condition : que Marc-Jean Ghyssels, ennemi juré de Roberti, président du CPAS lors de la précédente législature, ne revienne plus aux affaires à Forest.

De Permentier et Hacken hurlent à la trahison et introduisent début 2019 un recours au Conseil d’Etat. Ils dénoncent le fait que deux actes de candidature ont été présentés et affirment que seul le premier, qui n’a pas obtenu la majorité nécessaire lors du conseil communal, est valable.

Le Conseil d’Etat rejettera le recours en avril 2021 et validera la constitution de la majorité Ecolo-PS.

Stéphane Roberti (Ecolo) justifie le choix de ses partenaires de majorité à Forest

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Octobre 2012 : Ghyssels, successeur de De Galan

Lorsque Magda De Galan annonce qu’elle ne sera plus bourgmestre après les élections de 2012, il faut lui trouver un ou une remplaçante. Au sein de la section locale, les candidats sont nombreux entre l’ambitieux Gregor Chappelle, la fraîchement parachutée et ex-ministre Marie Arena et l’échevin Marc-Jean Ghyssels. C’est pourtant ce dernier qui est désigné tête de liste pour les élections dans un climat tendu.

Beaucoup en interne ne comprennent pas : Ghyssels est un ancien libéral passé avant cela par le FDF. Une girouette que certains jugent incompatibles avec les valeurs socialistes.

Pourtant, après le scrutin, c’est bien lui qui remporte le mayorat face à quelques pointures : Corinne De Permentier (MR) bourgmestre sortante, la ministre Evelyne Huytebroeck (Ecolo) et la Catherine Van Zeeland (cdH).

Mars 2010 : l’inculpation de Corinne De Permentier

En 2010, Corinne De Permentier n’est plus bourgmestre. Mais elle doit rendre des comptes sur sa gestion lorsqu’elle était aux affaires entre 2001 et 2006. En mars 2010, la libérale est inculpée pour "faux en écriture par fonctionnaire, usage de faux, escroquerie et prise d’intérêt". Elle n’est pas la seule : deux autres fonctionnaires dont le secrétaire communal sont également concernés.

Que reproche la justice à Corinne De Permentier ? D’avoir utilisé du personnel communal pour mener campagne en 2006, pendant les heures de service, notamment pour réaliser des photos et des vidéos électorales. La principale intéressée réfute les accusations.

En mars 2010, celle qui est députée fédérale se met en retrait du MR. Deux ans plus tard, lors des communales et malgré son inculpation, elle mène la liste libérale.

En 2013, une demande de levée d’immunité parvient à la Chambre qui décide de ne pas la suivre. Corinne De Permentier peut respirer.

Elle sera également inquiétée dans le dossier Borcy, du nom de l’échevin de la Prévention Michel Borcy, acquitté par la justice. Il était accusé d’avoir utilisé des subsides européens pour engager du personnel toujours dans le cadre de la campagne électorale des libéraux en 2006.

2006 : recours après l’élection de Magda De Galan

Les élections d’octobre 2006 marquent un retour : celui de la socialiste Magda De Galan au poste de bourgmestre. Une première fois mayeure en 1989, elle a dû céder son mandat pendant six années à sa grande rivale Corinne De Permentier.

Mais le retour de Magda De Galan qui s’allie cette année-là avec Ecolo et compte 19 sièges sur 35 est contesté. Et à Forest, les recours ne restent jamais au stade de menaces. Corinne De Permentier se tourne d’abord vers le Collège juridictionnel (qui tranche les irrégularités de scrutin) puis le Conseil d’Etat. Elle pointe un écart entre le nombre de votes et le nombre de cartes électroniques enregistrées.

En attendant que le Conseil d’Etat se prononce, la nomination de Magda De Galan est mise en suspens. De Permentier sera finalement déboutée et De Galan prêtera serment en février 2007, étant la dernière des 19 bourgmestres bruxellois à être confirmée après le scrutin de 2006.

2000 : l’affaire des deux conseillers

Les élections d’octobre 2000 ne doivent être qu’une formalité pour Magda De Galan, qui règne sur Forest depuis 1989 et l’hôtel communal de la chaussée de Bruxelles. Son bilan n’est pas éclatant mais son aura reste intacte d’autant qu’elle est aussi ministre fédérale.

En embuscade, Corinne De Permentier, échevine, également depuis 1989. En 1998 et 1999, elle profite du départ à la retraite du bourgmestre faisant fonction, le socialiste Paul Lenders pour remplacer à son tour Magda De Galan.

En 1999, Magda De Galan n’est plus ministre, revient à Forest et constate les dégâts. Corinne De Permentier, désignée par son parti ministre de l’Audiovisuel, sera une adverse plus coriace que prévu.

Au soir des élections, le PRL-FDF cartonne et De Permentier fait plus de 4200 voix ! Son premier choix est de se tourner vers le PS. Mais les socialistes refusent. La fédération craint d’être renvoyée dans l’opposition et introduit un recours, balayé !

De Permentier refuse qu’on lui vole sa victoire et va tenter un coup inédit : chiper deux conseillers aux socialistes pour constituer une nouvelle majorité avec le PSC. Hassan Mokhtari et Mostafa Bentaha, annoncent qu’ils siégeront désormais comme indépendants et soutiendront le PRL-FDF. Ils accusent le PS de les avoir utilisés comme attrape-voix auprès de la communauté belgo-marocaine.

En janvier 2001, tout se confirme lors d’un conseil communal d’installation électrique au cours duquel des insultes s’échangent. Paul Lenders lâche à De Permentier qu’elle est la "Talleyrand forestois" comme le reproduit La Libre Belgique du 2 janvier 2001. "Quant à vous deux (NDLR : Bentaha et Mokhtari), je vous aimais."

Deux jours plus tard, dans Le Soir, Corinne De Permentier annonce vouloir passer à autre chose. "Je n’ai plus envie de remuer le passé. Je ne veux plus entendre dire que j’ai "caché" les deux transfuges. Ils avaient des GSM. Ils n’ont pas répondu aux sollicitations et c’était leur choix. Je n’étais pas derrière eux pour leur dire : "Vous faites cela mais pas cela". Je ne leur ai rien demandé. Cette crise m’a appris beaucoup de choses. Elle m’a donné une autre vision de la politique. Mais je suis optimiste. Je veux regarder vers l’avenir et effacer l’image négative qu’a donnée Forest pendant ces trois derniers mois."

Forest, la vraie capitale du Far West!

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