"Les Aveugles", c’est une des œuvres les plus jouées de Maeterlinck avec "Pelleas et Mélisande" et "Trois petits drames pour marionnettes" (récemment adaptés en opéra à la Monnaie par un jeune compositeur français, Benjamin Attahir sous le beau titre "Le Silence des ombres"). A croire que l’œuvre de Maeterlinck attire naturellement la musique et les musiciens.
Ces "Aveugles" viennent d’une parabole biblique à la morale catégorique "Un aveugle peut-il conduire un aveugle ? Ne tomberont-ils pas où tous deux dans la fosse ?". Breughel l’Ancien en a fait un tableau saisissant de réalisme cruel où six mendiants aveugles en déséquilibre an bord d’un chemin s’entraînent mutuellement dans le fossé, dans une sorte de vertige de chute savamment orchestré.
Le symboliste Maeterlinck évite tout réalisme et revient à la moralité biblique, pas pour nous mener à Dieu, mais pour accentuer notre solitude et notre angoisse face à un guide, un prêtre, disparu absent, trouvé mort à la fin. Ce n’est ni la Bible, qui nous ramène à Dieu, ni Breughel accentuant en son temps le pathétique sordide des aveugles mais une curieuse anticipation d’"En attendant Godot" de Beckett, constatant la mort de Dieu, avec déjà ce même style dépouillé.
La version la plus étonnante de ces "Aveugles" de Maeterlinck est celle du Canadien Denis Marleau remplaçant les acteurs par des robots sur lesquels étaient projetés des images de synthèse créant une inquiétante étrangeté. Très proches des "marionnettes" chères à Maeterlinck mais avec une technologie contemporaine et une inquiétude métaphysique comme fil conducteur. Une version de référence.