La couleur des idées

David Elbaz, astrophysicien : "Nous sommes les enfants de la lumière. Peut-être même, la plus belle ruse de la lumière"

L’astrophysicien David Elbaz

© DR

Par Tania Markovic et Pascale Seys via

Dans la Couleur des Idées, Pascale Seys nous propose de cesser de regarder nos pieds et de suivre l’exemple de Thalès, Copernic ou Galilée, c’est-à-dire de prendre de la hauteur et de tourner nos regards vers le ciel. Ou tout du moins sur les images de nébuleuses stellaires que nous a livrées le télescope spatial Hubble comme la Nébuleuse de la Carène, une pouponnière d’étoiles à 7500 années-lumière de la Terre dont la " Montagne mystique " (une concentration d’atomes, de molécules et de poussière interstellaire soumise à un phénomène d’érosion produit par le rayonnement puissant des étoiles) orne la couverture du livre de l’astrophysicien David Elbaz, "La Plus Belle Ruse de la lumière", au sous-titre mystérieux "Et si l’univers avait un sens…", paru aux éditions Odile Jacob. Dans cet ouvrage, il est question de "la lumière de l’univers, de la beauté des formes singulières mais aussi de la lumière que nous sommes".

David Elbaz est astrophysicien au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies associées (CEA). Il a ces jours-ci une actualité quelque peu chargée puisqu’en plus de la parution de son livre, lui et son équipe travaillent sur l’imageur Mirim qui équipe le télescope spatial James-Webb dont la mise en orbite le 25 décembre 2021 a fait l’évènement… Pour cause, le James Webb a été envoyé à une distance jusque-là inégalée de la Terre : à environ 1, 5 millions de kilomètres pour "essayer d’explorer les confins de l’univers" (à titre de comparaison, Hubble orbite à environ 547 kilomètres au-dessus de la Terre) ! David Elbaz est l’invité de la Couleur des Idées ce samedi, il sera "notre guide dans l’infini cosmique, dans l’invisible et dans le noir, un guide qui prend le point de vue de la lumière et de la beauté pour dire les mystères de l’univers" !

Hubble Space Telescope Images Released
La nébuleuse du tronc de l’éléphant (IC 1396) dans la constellation de Céphée, image HST – Photos

Comment ne pas être saisi par l’époustouflante beauté que dégagent les images du télescope Hubble, par la force qui s’en dégage, leur pouvoir d’enchantement ? Comment – comme François Cheng que David Elbaz cite dans son préambule – ne pas s’étonner du fait que "l’univers aurait pu ne pas être beau, et pourtant il est beau" ? Cette réflexion est le point de départ de la pensée de David Elbaz qui constate que, malgré l’absence de définition scientifique et objective de la beauté, cette dernière est omniprésente en science. Certains parlent de "la beauté de certaines équations" mais surtout, on nous régale dans les médias d’images de l’univers dont se délectent aussi bien le grand public que les scientifiques, à tel point que les découvertes permises par le télescope Hubble, comme les trous noirs au centre des galaxies ou la présence d’eau sur d’autres planètes, sont parfois éclipsées au profit de ces images au statut quelque peu paradoxal. Pourquoi paradoxal ? Eh bien tout simplement parce qu’elles sont à la fois "vraies et fausses" nous explique David Elbaz. Indéniablement ces images sont belles, pourtant il s’agit d’une "beauté artificielle d’une certaine manière car elles sont prises par des artistes astronomes qui trafiquent un peu les couleurs, les filtres, choisissent des régions, des orientations, pour produire un sentiment d’élévation et donnent aux images des noms très évocateurs comme "La Montagne mystique" ou "les Piliers de la création".

David Elbaz poursuit :

Effectivement tout le monde est marqué par ces images à tel point que même nous dans nos articles, on ne résiste pas à la tentation de montrer à chaque fois une belle image Hubble pour toucher le public scientifique. Ce qui est paradoxal c’est que ces images, en même temps qu’être fausses – parce qu’elles ont été faites avec des zooms ce qui fait que si on était sur place on ne verrait pas ces couleurs mais des images beaucoup plus ternes – ces images donc, reflètent une réalité. Cette réalité c’est que le monde est organisé d’une manière extrêmement complexe, ce qui est vraiment troublant quand on pense que l’univers est né d’une explosion initiale, il y a 13,8 milliards d’années. Et donc ces images reflètent une réalité scientifique, celle qui fait que depuis 13, 8 milliards d’années, le monde s’organise. Ces images sont donc à la fois fausses car virtuelles et à la fois vraies.

Retrouvez l’intégralité de l’entretien mené par Pascale Seys, à écouter ci-dessous

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous